Roland, qui commande une partie de l'armée de Charlemagne, se trouve assailli par les Sarrasins1. Avec ses hommes, il est lancé dans un combat désespéré.
La bataille est merveilleuse ; elle tourne à la mêlée. Le comte Roland ne se ménage pas. Il frappe de son épieu tant que dure la hampe2 ; après quinze coups il l'a brisée et détruite. Il tire Durendal, sa bonne épée, toute nue. Il éperonne, et va frapper Chernuble3. Il lui brise le heaume où luisent des escarboucles4, tranche la coiffe5 avec le cuir du crâne, tranche la face entre les yeux, le haubert blanc aux mailles menues et tout le corps jusqu'à l'enfourchure. À travers la selle, qui est incrustée d'or, l'épée atteint le cheval. Il lui tranche l'échine6 sans chercher le joint7, il abat le tout mort dans le pré, sur l'herbe drue8. Puis il dit : « Fils de serf, vous vous mîtes en route à la malheure ! »
1. Nom donné aux musulmans au Moyen Âge.
2. Tige.
3. Chevalier ennemi.
4. Pierres précieuses rouges.
5. Casque.
6. Colonne vertébrale.
7. Espace entre deux os.
8. Épaisse.