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Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
Pour aller plus loin
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Chapitre 1.7
Texte 1

Alfred de Musset, La Confession d'un enfant du siècle (1836)

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Texte

La Confession d'un enfant du siècle Audio

Crédits : Lelivrescolaire.fr

Dans ce roman d'inspiration autobiographique, Musset décrit le « mal du siècle » qui ronge la génération romantique des années 1830.

Pendant les guerres de l'Empire, tandis que les maris et les frères étaient en Allemagne, les mères inquiètes avaient mis au monde une génération ardente, pâle, nerveuse. Conçus entre deux batailles, élevés dans les collèges aux roulements des tambours, des milliers d'enfants se regardaient entre eux d'un œil sombre, en essayant leurs muscles chétifs. De temps en temps leurs pères ensanglantés apparaissaient, les soulevaient sur leurs poitrines chamarrées1 d'or, puis les posaient à terre et remontaient à cheval.

Un seul homme était en vie alors en Europe ; le reste des êtres tâchait de se remplir les poumons de l'air qu'il avait respiré. Chaque année, la France faisait présent à cet homme de trois cent mille jeunes gens ; et lui, prenant avec un sourire cette fibre nouvelle arrachée au cœur de l'humanité, il la tordait entre ses mains, et en faisait une corde neuve à son arc ; puis il posait sur cet arc une de ces flèches qui traversèrent le monde, et s'en furent tomber dans une petite vallée d'une île déserte2, sous un saule pleureur.

Jamais il n'y eut tant de nuits sans sommeil que du temps de cet homme ; jamais on ne vit se pencher sur les remparts des villes un tel peuple de mères désolées ; jamais il n'y eut un tel silence autour de ceux qui parlaient de mort. Et pourtant jamais il n'y eut tant de joie, tant de vie, tant de fanfares guerrières dans tous les cœurs ; jamais il n'y eut de soleils si purs que ceux qui séchèrent tout ce sang. On disait que Dieu les faisait pour cet homme, et on les appelait ses soleils d'Austerlitz3. Mais il les faisait bien lui‑même avec ses canons toujours tonnants, et qui ne laissaient de nuages qu'aux lendemains de ses batailles.

C'était l'air de ce ciel sans tache, où brillait tant de gloire, où resplendissait tant d'acier, que les enfants respiraient alors. Ils savaient bien qu'ils étaient destinés aux hécatombes ; mais ils croyaient Murat4 invulnérable, et on avait vu passer l'empereur sur un pont où sifflaient tant de balles, qu'on ne savait s'il pouvait mourir. Et quand même on aurait dû mourir, qu'était‑ce que cela ? La mort elle‑même était si belle alors, si grande, si magnifique dans sa pourpre fumante ! Elle ressemblait si bien à l'espérance, elle fauchait de si verts épis qu'elle en était comme devenue jeune, et qu'on ne croyait plus à la vieillesse. Tous les berceaux de France étaient des boucliers ; tous les cercueils en étaient aussi ; il n'y avait vraiment plus de vieillards ; il n'y avait que des cadavres ou des demi‑dieux.
Partie I, chapitre 2.
1. Décorées.
2. Allusion à Sainte‑Hélène où Napoléon fut exilé et mourut.
3. Nom d'une célèbre bataille qui consacra le génie militaire de Napoléon Ier.
4. Célèbre maréchal d'Empire, beau‑frère de Napoléon Ier.
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Questions

1. En quoi le narrateur exprime‑t‑il une fascination paradoxale pour le mythe napoléonien ?

2.
Grammaire
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Doc.

Placeholder pour Peinture: Napoléon Bonaparte à cheval franchissant le col du Grand Saint-Bernard. Paysage montagneux enneigé. Style néoclassique.Peinture: Napoléon Bonaparte à cheval franchissant le col du Grand Saint-Bernard. Paysage montagneux enneigé. Style néoclassique.
Jacques‑Louis David, Bonaparte franchissant le Grand Saint‑Bernard, 1802, huile sur toile, 273 x 234 cm, château de Versailles.
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Supplément numérique

  • Pour mieux saisir la fascination pour Napoléon à cette époque, suivez l'analyse d'un tableau représentant le retour de ses cendres en 1840.
  • Pour mieux saisir les caractéristiques du romantisme, vous pouvez comparer cet extrait à un autre évoquant une bataille napoléonienne d'un point de vue réaliste
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