Kholmsk m'a impressionnée par sa taille considérable, sa saleté et sa misère qui sautaient aux yeux. Autrefois modeste, cette ville portuaire s'est étendue sur les hauteurs et les collines environnantes en s'étirant aussi sur le littoral. Maintenant, elle ressemblait carrément à un immense tas de détritus. […] Aux XIX^e et XX^e siècles, Kholmsk avait un aspect attrayant et soigné ; depuis, les choses avaient empiré. Recouverte de mousses, la ville s'était dégradée et délavée. Il ne restait plus une trace de la riante verdure qui, naguère, s'offrait de loin aux navigateurs pour le bonheur de leurs âmes et de leurs yeux. Finies, les coquettes bâtisses et les jolies collines qui semblaient s'être affaissées sur elles‑mêmes. Et le ciel, au‑dessus de la ville, revêtait maintenant une rebutante couleur de moutarde qui, comme une éponge, absorbait les fumées.

Le port de marchandises allongeait ses docks et ses digues loin dans la mer. De multiples grues à tourelles ressemblaient à de curieux squelettes. Les terminaux houillers faisaient penser à des outils de géants laborieux. Les cargos en attente de chargement avaient l'air de jouets d'enfant dans ce décor de terrils. Toute cette industrie s'entassait là sans le moindre plan général. Elle fumait, cognait, crachait de la vapeur et hurlait de ses sirènes. Que cela puisse fonctionner paraissait étonnant.

On aurait dit que la ville se déversait d'un sac à ordures pourri. Aucune conception urbaine ne se dégageait de cet amas de taudis bancals et de baraquements à deux étages faits de conteneurs de marine métalliques empilés. Au milieu de cet incontrôlable fouillis, on voyait se détacher les masses grises de gros bâtiments épouvantails hérités des temps anciens.