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Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
Pour aller plus loin
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Chapitre 1.5
Texte B
Exclusivité numérique

Charles Perrault, « La Barbe-Bleue », Contes de ma mère l'Oye (1697)

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Texte

Une jeune fille a épousé la Barbe‑Bleue, dont les précédentes femmes ont mystérieusement disparu. Partant en voyage, il confie les clés du château à sa jeune épouse. Il lui interdit néanmoins l'accès à un petit cabinet.

Elle fut si pressée de sa curiosité que, sans considérer qu'il était malhonnête de quitter sa compagnie1, elle y descendit par un petit escalier dérobé, et avec tant de précipitation qu'elle pensa se rompre le cou deux ou trois fois. Étant arrivée à la porte du cabinet, elle s'y arrêta quelque temps, songeant à la défense que son mari lui avait faite, et considérant qu'il pourrait lui arriver malheur d'avoir été désobéissante. Mais la tentation était si forte, qu'elle ne put la surmonter : elle prit donc la petite clef, et ouvrit en tremblant la porte du cabinet. D'abord elle ne vit rien, parce que les fenêtres étaient fermées. Après quelques moments, elle commença à voir que le plancher était tout couvert de sang caillé, et que, dans ce sang, se miraient les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (c'étaient toutes les femmes que la Barbe‑Bleue avait épousées, et qu'il avait égorgées l'une après l'autre). Elle pensa mourir de peur, et la clef du cabinet qu'elle venait de retirer de la serrure, lui tomba de la main. Après avoir un peu repris ses sens, elle ramassa la clef, referma la porte, et monta à sa chambre pour se remettre un peu ; mais elle n'en pouvait venir à bout, tant elle était émue. Ayant remarqué que la clef du cabinet était tachée de sang, elle l'essuya deux ou trois fois, mais le sang ne s'en allait point. Elle eut beau la laver, et même la frotter avec du sablon et avec du grès, il demeura toujours du sang, car la clef était Fée, et il n'y avait pas moyen de la nettoyer tout à fait : quand on ôtait le sang d'un côté, il revenait de l'autre.

La Barbe‑Bleue revint de son voyage dès le soir même et dit qu'il avait reçu des lettres dans le chemin, qui lui avaient appris que l'affaire pour laquelle il était parti venait d'être terminée à son avantage. Sa femme fit tout ce qu'elle put pour lui témoigner qu'elle était ravie de son prompt retour. Le lendemain, il lui demanda les clefs ; et elle les lui donna, mais d'une main si tremblante, qu'il devina sans peine tout ce qui s'était passé.

« D'où vient, lui dit‑il, que la clef du cabinet n'est point avec les autres ?

– Il faut, dit-elle, que je l'aie laissée là‑haut sur ma table.

– Ne manquez pas, dit la Barbe‑Bleue, de me la donner tantôt. »

Après plusieurs remises, il fallut apporter la clef. La Barbe‑Bleue, l'ayant considérée, dit à sa femme :

« Pourquoi y a‑t‑il du sang sur cette clef ?

– Je n'en sais rien, répondit la pauvre femme, plus pâle que la mort.

– Vous n'en savez rien ! reprit la Barbe‑Bleue ; je le sais bien, moi. Vous avez voulu entrer dans le cabinet ! Eh bien, madame, vous y entrerez et irez prendre votre place auprès des dames que vous y avez vues. »
Orthographe modernisée.
1. Les personnes venues lui rendre visite dès le départ du terrifiant mari.
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Placeholder pour Gravure : Barbe Bleue montre des clés à sa femme inquiète. Il est imposant, coiffé d'un chapeau à plume; elle est élégante, en costume d'époque.Gravure : Barbe Bleue montre des clés à sa femme inquiète. Il est imposant, coiffé d'un chapeau à plume; elle est élégante, en costume d'époque.
Gustave Doré, « Barbe‑Bleue », 1862, gravure, 33 × 27 cm, BnF, Paris.
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Questions

1. En quoi ce récit relève‑t‑il de l'apologue ?

2.
Grammaire
Dans la phrase soulignée, identifiez et analysez les propositions subordonnées relatives.
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