Waaqa, le Dieu tout-puissant, décide de rendre l'être humain immortel
et charge le lézard d'aller le prévenir. Mais ce dernier va commettre une
erreur qui aura de graves conséquences…
Waaqa, le Dieu tout-puissant, créa le ciel et la terre. Puis il créa les êtres
qui peuplent les monts et les plaines, l'eau et l'air et, pour leur donner vie,
il souffla dessus. Ensuite il créa la mort qui met fin à toute existence.
Parvenu à ce point de son travail, il réfléchit et résolut de faire une
exception – une seule. Ce serait pour la lune ou pour l'homme : l'une de
ces deux créatures ne mourrait pas. Mais laquelle ? Il hésitait. Finalement,
il se décida en faveur de l'homme. Lui seul, parmi les êtres créés, vivrait
éternellement.
Bon, mais l'homme n'en savait rien – ni la lune d'ailleurs. Il fallait les prévenir.
Waaqa leur envoya le lézard en guise de messager. Il irait d'abord
chez la lune, qui habitait plus loin, ensuite chez l'homme.
Le lézard se mit en route, par les plaines, par les monts, dans le sable et
la poussière, s'arrêtant de temps en temps à l'ombre d'un sycomore, cherchant
de quoi se nourrir, un peu d'herbe, un peu d'eau, en vain la plupart
du temps, car partout régnaient la chaleur et la sécheresse.
Enfin au terme d'un long et pénible voyage, affamé et assoiffé, il arriva
chez la lune. La lune se trouvait à l'intérieur de sa case et, devant celle-ci,
sur un petit feu de bois, était posée une marmite dans laquelle bouillonnait
un liquide d'un beau rouge.
– C'est de la soupe, pensa le lézard. De la bonne soupe ! La lune va
sûrement m'offrir… Non, ce n'est pas si sûr… Elle m'en voudra si je lui
apprends qu'elle est mortelle. On n'aime guère les porteurs de mauvaises
nouvelles… Eh bien, je ne lui dirai pas… Je lui dirai même le contraire. Qui
saura que c'est un mensonge ?
Le lézard entra dans la case, salua la lune et lui annonça que le Créateur
l'avait choisie, elle, elle-même, pour lui offrir l'immortalité.
– Merci, oh merci, dit la lune. Tu as fait un long chemin pour m'annoncer
la nouvelle… Tu dois avoir faim et soif. C'est bien malheureux que je
n'aie rien à t'offrir.
– Mais… dit le lézard, et la soupe dehors, dans la marmite ?
– Mon pauvre ami ! Ce n'est pas de la soupe, c'est de la teinture pour
que je puisse repeindre les murs de ma case !
– Ah… ah… dit le lézard. Ah… Ma soeur… J'ai quelque chose de très
embarrassant à te dire… Je crois que je me suis trompé… J'étais si fatigué
que ma langue a fourché et mon esprit s'est embrouillé…
Ce n'est pas toi, c'est l'homme que Waaqa a choisi. C'est lui qui ne
mourra jamais.
– Ce qui a été dit ne peut être dédit, répliqua la lune avec fermeté.
Quand on a craché sur le sol, on ne peut ravaler sa salive.
Que vouliez-vous que fasse le lézard ? Il s'en alla, déçu, confus et toujours
affamé, et s'en retourna sur la terre apprendre à l'homme la mauvaise
nouvelle.
Depuis ce temps-là, la lune ne meurt pas, elle fait semblant et disparaît
une nuit par mois, mais elle renaît la nuit suivante. L'homme, lui, meurt
pour de bon quand sa vie parvient à son terme.
Et, naturellement, il en veut au lézard. Chaque fois qu'il en aperçoit un,
il le poursuit et tente de l'écraser. Mais le lézard s'échappe. Heureusement
pour lui, il est beaucoup plus vif que l'homme !