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Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
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Chapitre 4.3
Texte 5

Arthur Rimbaud, Une saison en enfer (1873)

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Texte

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Crédits : Lelivrescolaire.fr

En 1873, Verlaine tire sur Rimbaud, se retrouve en prison, les amants se séparent. Rimbaud écrit Une saison en enfer, une « prodigieuse autobiographie psychologique », selon les mots de Verlaine.

Nuit de l'enfer


J'ai avalé une fameuse gorgée de poison. — Trois fois béni soit le conseil qui m'est arrivé ! — Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer, l'éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !

J'avais entrevu la conversion au bien et au bonheur, le salut. Puis‑je décrire la vision, l'air de l'enfer ne souffre1 pas les hymnes ! […]

Et c'est encore la vie ! — Si la damnation2 est éternelle ! Un homme qui veut se mutiler est bien damné, n'est‑ce pas ? Je me crois en enfer, donc j'y suis. C'est l'exécution du catéchisme3. Je suis esclave de mon baptême. Parents, vous avez fait mon malheur et vous avez fait le vôtre. Pauvre innocent ! — L'enfer ne peut attaquer les païens. — C'est la vie encore ! Plus tard, les délices de la damnation seront plus profondes. Un crime, vite, que je tombe au néant, de par la loi humaine.

Tais-toi, mais tais‑toi !… C'est la honte, le reproche, ici : Satan qui dit que le feu est ignoble, que ma colère est affreusement sotte. —
Assez !… Des erreurs qu'on me souffle, magies, parfums faux, musiques puériles. — Et dire que je tiens la vérité, que je vois la justice : j'ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection… Orgueil. — La peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j'ai peur. J'ai soif, si soif ! Ah ! l'enfance, l'herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze… le diable est au clocher, à cette heure. Marie ! Sainte‑Vierge !… — Horreur de ma bêtise. […]

Bah ! faisons toutes les grimaces imaginables.
Décidément, nous sommes hors du monde. Plus aucun son. Mon tact4 a disparu. Ah ! mon château, ma Saxe, mon bois de saules. Les soirs, les matins, les nuits, les jours… Suis‑je las !

Je devrais avoir mon enfer pour la colère, mon enfer pour l'orgueil, — et l'enfer de la caresse ; un concert d'enfers.

Je meurs de lassitude5. C'est le tombeau, je m'en vais aux vers, horreur de l'horreur ! Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes. Je réclame. Je réclame ! un coup de fourche, une goutte de feu.

Ah ! remonter à la vie ! Jeter les yeux sur nos difformités. Et ce poison, ce baiser mille fois maudit ! Ma faiblesse, la cruauté du monde ! Mon Dieu, pitié, cachez‑moi, je me tiens trop mal ! — Je suis caché et je ne le suis pas.

C'est le feu qui se relève avec son damné.
1. Tolère.
2. Condamnation à aller en enfer.
3. Enseignement religieux.
4. Ici : sens du toucher.
5. Épuisement.
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Doc. 

Placeholder pour Peinture de Luis Caballero: corps allongé, nu, tons rouges. Ambiance intense et sensuelle.Peinture de Luis Caballero: corps allongé, nu, tons rouges. Ambiance intense et sensuelle.
Luis Caballero, Sans titre, 1990, huile sur toile, 192 x 129 cm, collection privée.
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Éclairage

Dans le prologue, Rimbaud dédie son recueil à Satan :

« Vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné. »
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Questions

1. Comment Rimbaud se présente‑t‑il comme un poète maudit ?

2.
Grammaire
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