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Partie 1 • Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
Partie 2 • La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle
Partie 3 • Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle
Partie 4 • La poésie du XIXe au XXIe siècle
Pour aller plus loin
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Chapitre 1.13
Texte A
Exclusivité numérique

Marguerite Duras, L'Amour (1972)

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Texte

Le début du roman met en scène trois personnages : un homme qui regarde la mer, un autre qui va et vient sur la plage, comme un prisonnier, et une femme assise contre un mur. L'homme qui regarde la mer se met à marcher.

L'homme qui regardait passe entre la femme aux yeux fermés et l'autre au loin, celui qui va, qui vient, prisonnier. On entend le martèlement de son pas sur la piste de planches qui longe la mer. Ce pas‑ci est irrégulier, incertain.
Le triangle se défait, se résorbe. Il vient de se défaire : en effet, l'homme passe, on le voit, on l'entend.
On entend : le pas s'espace. L'homme doit regarder la femme aux yeux fermés posée sur son chemin.
Oui. Le pas s'arrête. Il la regarde.
L'homme qui marche le long de la mer, et seulement lui, conserve son mouvement initial. Il marche toujours de son pas infini de prisonnier.
La femme est regardée.
Elle se tient les jambes allongées. Elle est dans la lumière obscure, encastrée dans le mur. Yeux fermés.
Ne ressent pas être vue. Ne sait pas être regardée.
Se tient face à la mer. Visage blanc. Mains à moitié enfouies dans le sable, immobiles comme le corps. Force arrêtée, déplacée vers l'absence. Arrêtée dans son mouvement de fuite. L'ignorant, s'ignorant.

Le pas reprend.
Irrégulier, incertain, il reprend.
Il s'arrête encore.
Il reprend encore. L'homme qui regardait est passé. Son pas s'entend de moins en moins. On le voit, il va vers une digue qui est aussi éloignée de la femme que l'est d'elle le marcheur de la plage. Au‑delà de la digue, une autre ville, bien au‑delà, inaccessible, une autre ville, bleue, qui commence à se piquer de lumières électriques. Puis d'autres villes, d'autres encore : la même.
Il a atteint la digue. Il ne l'a pas dépassée.
Il s'arrête. Puis, à son tour, il s'assied.
Il s'est assis sur le sable face à la mer. Il cesse de regarder quoi que ce soit, la plage, la mer, l'homme qui marche, la femme aux yeux fermés.
Pendant un instant personne ne regarde, personne n'est vu :
Ni le prisonnier fou qui marche toujours le long de la mer, ni la femme aux yeux fermés, ni l'homme assis.
Pendant un instant personne n'entend, personne n'écoute.
Et puis il y a un cri :
L'homme qui regardait ferme les yeux à son tour sous le coup d'une tentative qui l'emporte, le soulève, soulève son visage vers le ciel, son visage se révulse et il crie.

Un cri. On a crié vers la digue.
© Éditions Gallimard.
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Questions

1. Montrez comment la narration, presque cinématographique, crée un effet de mystère et d'attente

2.
Grammaire
Reliez les deux propositions soulignées par une conjonction de subordination. Analysez la proposition subordonnée obtenue.
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Éclairage 

Je crois que je reproche ça aux livres, en général, c'est qu'ils ne sont pas libres. On le voit à travers l'écriture : ils sont fabriqués, ils sont organisés, réglementés, conformes on dirait. [...] Il y a encore des générations mortes qui font des livres pudibonds. Même des jeunes : des livres charmants, sans prolongement aucun, sans nuit. Sans silence.
Marguerite Duras
Écrire, 1993, © Gallimard.

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