Les footballeuses interrogées¹ semblent déroger à la règle et témoignent d'une culture ludique particulière. Celle-ci se caractérise par le rejet de la poupée, considérée comme un objet typiquement féminin, et par un investissement dans les jeux extérieurs, notamment le football de rue, habituellement réservés aux garçons. [...] Ces filles entretiennent ainsi des relations privilégiées avec les garçons de leur âge. Ceux-ci constituent, en effet, le groupe des pairs que les footballeuses ont côtoyé et où elles semblent être bien intégrées.[...] Elles (les interactions avec les garçons) favorisent ainsi une socialisation sexuée « inversée ».

Les choix ludiques de la prime enfance se prolongent par un investissement dans le football institutionnel, qui génère des transformations multiples sous l'effet de l'entraînement et du travail sportif. [...] Leur corps subit [...] un « procès de virilisation », générateur d'une inadéquation entre leur sexe et leur genre.

L'article s'appuie sur une enquête sociologique réalisée au centre de formation du Paris-Saint-Germain. Les auteurs ont suivi les jeunes footballeurs dans leur formation pour devenir professionnels.

Démarche chaloupée, pectoraux en avant, abdominaux contractés, une manière de montrer aux entraîneurs et aux camarades de jeu que sous un épiderme « blanc » ou « noir » transparaît un corps tonique « prêt » à en découdre. [...] Il faut inscrire sur soi les éléments de la réussite, et le souci du corps tonique et de la peau soignée des apprentis footballeurs viendra rappeler la carrosserie lisse et brillante de la berline de luxe. Cette publicité du corps sculpté, épilé est la marque d'un accomplissement du nouvel homme sportif et employable. [...]

[...] Un « petit canard », défini comme quelqu'un qui est « trop gentil avec les filles, celui qu'est trop romantique, qui fait le lover, qui n'a qu'une meuf ! Qui fait passer sa “meuf” avant le foot, celui qui lui achète des choses… ». Cette définition du « canard » illustre la manière dont les apprentis footballeurs envisagent leurs relations avec les filles qu'ils fondent sur le mode de la domination. Selon eux, celui qui n'adopterait pas ce type de comportement ne serait pas « un vrai mec ! »