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Chapitre 5
L'atelier de Clio

L'archéologie et la construction du sentiment national

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L'enjeu
Au cours du XIXe siècle se construit progressivement un nouveau sentiment d'appartenance à la nation, qui contribue à l'unification des États. Ce sentiment s'appuie sur la recherche et l'exaltation de figures historiques qui vont devenir des « ancêtres » de la nation. L'archéologie, qui émerge alors comme une discipline scientifique, joue un rôle crucial dans ce processus.
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La statue d'Arminius (Hermannsdenkmal) et l'invention du nationalisme allemand

En l'an 9 après Jésus‑Christ, un chef germain, Arminius, remporte une grande victoire sur les légions romaines de Varus lors de la bataille de Teutobourg. C'est l'une des plus lourdes défaites de Rome.

Entre 1838 et 1875, une immense statue de ce chef (nommé Hermann en allemand) est élevée, au sud‑ouest de la ville de Detmold, près de ce qu'on pense à l'époque être le site de la bataille de Teutobourg. Elle est d'abord financée par des souscriptions populaires, puis par le tout nouveau Reich allemand unifié après 1871.

Réalisée par le sculpteur Ernst von Bandel, la statue est haute de 25 mètres et placée sur un socle de 28 mètres. Sur sa base, un relief de l'empereur Guillaume Ier, fait avec le métal fondu des canons français confisqués lors de la guerre de 1870.

Sur la base, une inscription déclare : « L'unité allemande, ma force – ma force, la puissance de l'Allemagne. » D'emblée très populaire, la statue reste aujourd'hui un des lieux les plus visités du pays.

Placeholder pour Photographie aérienne du monument Hermann en Allemagne. La statue d'Arminius, brandissant une épée, domine un paysage verdoyant. Vue imprenable.Photographie aérienne du monument Hermann en Allemagne. La statue d'Arminius, brandissant une épée, domine un paysage verdoyant. Vue imprenable.
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L'œil de l'historien

Placeholder pour Portrait photo de Michel Reddé : homme blond, chemise rouge.Portrait photo de Michel Reddé : homme blond, chemise rouge.

Parallèlement, l'archéologie commençait à servir une quête identitaire d'une nouvelle espèce. Ce n'est plus seulement l'histoire de l'Humanité dans son caractère universel que l'on voulait écrire, comme au XVIIIe siècle, mais celle des Nations. Dans cette « guerre culturelle qui se déroulait en contrepoint de la politique européenne », pour reprendre une expression de Cl. Nicolet1, l'un des principaux enjeux était de capter l'héritage de la Rome antique et d'instrumentaliser l'histoire romaine à son profit […]. La recherche de l'emplacement de la bataille du Teutoburg ne relève plus seulement d'un problème académique mais d'une approche « politique » où le lieu – nécessairement une forêt – sert de fondement symbolique à la mythologie germanique et à la défense du « Deutsches Volk2 » contre les invasions venues de l'Ouest. […] Mais, dans le même temps, l'Allemagne se présente comme la meilleure héritière des valeurs de la Grèce et de Rome ; bientôt elle en revendiquera de nouveau l'héritage politique, renouant ainsi avec la tradition du Saint‑Empire. En 1833, Henri Martin se lance à son tour dans une Histoire de France qui va populariser, avec un immense succès, la série des Héros qui ont fait notre pays et dont Vercingétorix est le premier exemple. Cette irruption des Gaulois dans la mémoire nationale se traduit par un nombre infini de productions littéraires (romans, poèmes, pièces, opéras), de libelles historiques, de représentations figurées plus ou moins fantaisistes dans les journaux, les arts mineurs, mais aussi la sculpture ou la grande peinture. Depuis les Trois Glorieuses, le Gaulois est à la mode […].

Dans les manuels scolaires allemands, Arminius et la bataille du Teutoburg occupent une place sensiblement identique à celle de Vercingétorix et d'Alésia [dans les manuels scolaires français].

[…] L'archéologie a été instrumentalisée au profit d'une histoire immédiate inscrite dans la trame des conflits qui ont secoué l'Europe au XIXe et au XXe siècles, au bénéfice d'une quête identitaire dont les préoccupations n'étaient guère scientifiques.
Michel Reddé
« Introduction : Alésia et la mémoire nationale française », Anabases, n° 9, 2009, p. 13‑24.

1. Claude Nicolet est un historien français spécialiste de la Rome antique.
2. L'expression veut dire « le peuple allemand » : elle devient populaire au cours du XIXe siècle, quand s'invente un sentiment national allemand.
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Méthode

1. L'archéologie est aujourd'hui une discipline scientifique à part entière. Au XIXe siècle, elle est utilisée pour construire le sentiment national.

Michel Reddé explique par exemple que les archéologues allemands cherchent l'emplacement de la bataille de Teutobourg pour créer un lieu symbolique de la nation allemande.

2. L'archéologie contribue à construire des nationalismes qui se définissent souvent par opposition aux autres pays.

Le socle de la statue d'Arminius est fait avec les canons confisqués aux Français lors de la guerre de 1870. C'est une façon symbolique d'affirmer la supériorité de l'Allemagne sur la France. Michel Reddé évoque d'ailleurs une véritable « guerre culturelle ».


3. Cette construction passe notamment par de grandes figures nationales, redécouvertes et réinventées à cette époque.

L'Allemagne exalte son passé germanique. Mais Michel Reddé rappelle que ces constructions ne sont pas sans ambiguïtés : l'Allemagne cherche également à récupérer l'image glorieuse de la Rome antique.
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Questions
1. Observez la statue. À votre avis, pourquoi le sculpteur a‑t‑il choisi de lui donner cette apparence ? Quel message voulait‑il faire passer ?

2. À votre avis, comment les Français de l'époque ont‑ils perçu la construction de cette statue ?

3. En France, à la même époque, on érige également une statue d'un héros antique, sur un lieu très symbolique : qui choisit‑on ? À quel endroit cette statue est‑elle élevée ?
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