Je vois aussi Tantale, subissant de cruelles douleurs, debout dans un lac qui lui baignait le menton. Assoiffé, il ne pouvait atteindre l'eau. Chaque fois, en effet, que le vieillard se penchait, dans son désir de boire, l'eau disparaissait, absorbée dans le sol ; de la terre noire apparaissait autour de ses pieds, desséchée par un dieu. Des arbres au feuillage haut laissaient pendre leurs fruits sur sa tête, des poires, des grenades, des oranges, des figues douces et des olives vertes. Toutes les fois que le vieillard voulait les saisir de ses mains, le vent les soulevait jusqu'aux nuées sombres.
Je vois encore Sisyphe subissant de grandes douleurs : il soutenait un immense rocher avec ses deux mains. Et il poussait ce rocher des mains et des pieds jusqu'au sommet d'une montagne. Et quand il était près d'atteindre ce sommet, alors la force lui manquait, et l'immense rocher roulait jusqu'au bas. Il recommençait alors de nouveau ; la sueur ruisselait de ses membres et son front se
nimbait2 de poussière.
L'innombrable multitude des morts s'agite avec un si grand tumulte que la pâle terreur me saisit, et je crains que l'illustre
Perséphone3 m'envoie la tête de l'horrible monstre
Gorgonien4. Aussitôt je retourne au navire, et j'ordonne à mes compagnons d'y monter et de détacher le câble.
Homère
Odyssée, chant XI, vers 582 à 627, traduction de Victor Bérard, 1931, adaptée par Marie Blieck.