ISMÈNE. – Quoi ! tu songes à l'ensevelir, en dépit de la défense faite à toute la cité ?
ANTIGONE. – C'est mon frère – et le tien, que tu le veuilles ou non. J'entends que nul ne soit en droit de dire que je l'ai trahi.
ISMÈNE. – Mais malheureuse, si Créon s'y oppose !
ANTIGONE. – Créon n'a pas à m'écarter des miens. [...]
ISMÈNE. – [...] Pour moi, en tout cas, je supplie les morts sous la terre de m'être indulgents, puisqu'en fait je cède à la force ; mais j'entends obéir aux pouvoirs établis. Les gestes vains sont des sottises.
ANTIGONE. – Sois tranquille, je ne te demande plus rien – et même si tu voulais plus tard agir, je n'aurai pas la moindre joie à te sentir à mes côtés. Sois donc, toi, ce qu'il te plaît d'être : j'enterrerai, moi, Polynice et serai fière de mourir en agissant de telle sorte. C'est ainsi que j'irai reposer près de lui, chère à qui m'est cher, saintement criminelle. Ne dois-je pas plus longtemps plaire à ceux d'en bas qu'à ceux d'ici, puisqu'aussi bien c'est là-bas qu'à jamais je reposerai ? Agis, toi, à ta guise, et continue à mépriser tout ce qu'on prise chez les dieux.
ISMÈNE. – Je ne méprise rien ; je me sens seulement incapable d'agir contre le gré de ma cité.