GHÉRASIM LUCA (1913-1994) est un poète roumain, qui a principalement écrit en français. En Roumanie, il côtoie les surréalistes, avec des artistes comme le poète Tristan Tzara (également très connu en France) et du sculpteur Constantin Brâncusi (voir p. 34). Quand il s’installe définitivement à Paris, à 40 ans, il devient proche du mouvement surréaliste français sans y appartenir directement.
GHÉRASIM LUCA,Paralipomènes
Les mots et les phrases explosent dans ce poème pour dire l’amour en amoureux de l’autre et des mots.
Je te lune tu me nuage tu me marée haute je te transparente tu me pénombre tu me translucide tu me château vide et me labyrinthe [...]
Tu me soluble
tu m’insoluble
en m’asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice
Tu me vertige tu m’extase tu me passionnément tu m’absolu je t’absente tu m’absurde
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes [...]
Je te tremblante tu me séduis tu m’absorbes je te dispute je te risque je te grimpe tu me frôles je te nage mais toi tu me tourbillonnes tu m’effleures tu me cernes [...]
Et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre
je t’invente parfois tu te livres
Tu me lèvres humides je te délivre je te délire tu me délires et passionnes je t’épaule je te vertèbre je te cheville je te cils et pupilles
[...]
Je te navigue je t’ombre je te corps et te fantôme je te rétine dans mon souffle tu t’iris
Le surréalisme est un mouvement artistique du début du XXe siècle. Il défend une création totalement libre de toute contrainte, de toute logique, car il estime que l’imagination, le rêve, l’inconscient, sont plus intéressants et plus riches que la raison. Pour le dire de manière simple, le surréaliste essaie de « ne pas réfléchir » en créant, pour ne pas se censurer.