Une nuit, il s'éveilla en sursaut et bondit, l'œil impatient ; ses narines
frémissantes humaient1 l'air, sa crinière se hérissait en une succession
de vagues. De la forêt provenait l'appel – ou du moins l'une de ses
notes, car l'appel en comportait plusieurs – plus clair et plus net qu'il ne l'avait jamais été : un long hurlement qui ressemblait
au cri d'un husky, mais était pourtant tout différent. Et il
le reconnaissait comme un son déjà entendu auparavant,
et depuis longtemps familier. Il bondit à travers le camp
endormi, et fila d'un pas rapide et silencieux à travers les bois. Comme il approchait du cri, il ralentit, devint
prudent dans chacun de ses mouvements ; alors, parvenu à une clairière au milieu des arbres, il vit soudain,
dressé sur son arrière-train, museau pointant vers le ciel,
un loup de la forêt, long et maigre.
Il n'avait fait aucun bruit ; pourtant l'autre cessa de hurler et se mit à sentir sa présence. Buck le rejoignit dans
la clairière, à demi accroupi, le corps bien ramassé sur lui-même, la queue raide et droite ; ses pattes avançaient avec une
circonspection2 inhabituelle. Chacun de ses mouvements annonçait un mélange d'intimidation et d'avances amicales. C'était la trêve3
menaçante qui marque la rencontre des bêtes féroces en quête d'une
proie. Mais le loup s'enfuit à sa vue. Alors il le suivit, avec des bonds
sauvages et le désir frénétique4 de le dépasser.
1. Respiraient.
2. Prudence.
3. Période sans combat.
4. Très intense.