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Texte
Sganarelle et Léandre (déguisé en apothicaire) sont chez Géronte.
Acte III, scène 6
JACQUELINE, LUCINDE, GÉRONTE,
LÉANDRE, SGANARELLE
JACQUELINE. – Monsieur, velà votre fille
qui veut un peu marcher.
SGANARELLE. – Cela lui fera du bien. Allez-vous-en, Monsieur l'apothicaire, tâter un
peu son pouls, afin que je raisonne tantôt1
avec vous de sa maladie.
(En cet endroit, il tire Géronte à un bout
du théâtre, et, lui passant un bras sur les
épaules, lui rabat la main sous le menton, avec laquelle il le fait retourner vers
lui lorsqu'il veut regarder ce que sa fille
et l'apothicaire font ensemble, lui tenant
cependant2 le discours suivant pour
l'amuser.)
Monsieur, c'est une grande et subtile
question entre les doctes3, de savoir si
les femmes sont plus faciles à guérir que
les hommes. Je vous prie d'écouter ceci,
s'il vous plaît. Les uns disent que non, les
autres disent que oui ; et moi, je dis que
oui et non, d'autant que l'incongruité4 des
humeurs opaques qui se rencontrent au
tempérament naturel des femmes étant
cause que la partie brutale veut toujours
prendre empire5 sur la sensitive, on voit
que l'inégalité de leurs opinions dépend du
mouvement oblique du cercle de la lune ;
et comme le soleil, qui darde ses rayons sur
la concavité6 de la terre, trouve...
Lucinde parle à Léandre. Géronte entend
sa voix et pensant qu'elle est guérie,
remercie Sganarelle.
SGANARELLE, se promenant sur le théâtre,
et s'essuyant le front. – Voilà une maladie
qui m'a bien donné de la peine !
LUCINDE. – Oui, mon père, j'ai recouvré7
la parole ; mais je l'ai recouvrée pour vous
dire que je n'aurai jamais d'autre époux
que Léandre, et que c'est inutilement que
vous voulez me donner Horace.
GÉRONTE. – Mais...
LUCINDE. – Rien n'est capable d'ébranler
la résolution que j'ai prise8.
GÉRONTE. – Quoi ?
LUCINDE. – Vous m'opposerez en vain9 de
belles raisons.
GÉRONTE. – Si...
LUCINDE. – Tous vos discours ne serviront de rien10.
GÉRONTE. – Je...
LUCINDE. – C'est une chose où je suis déterminée.
GÉRONTE. – Mais...
LUCINDE. – Il n'est puissance paternelle11 qui puisse
m'obliger à me marier malgré moi.
GÉRONTE. – J'ai...
Molière
Le Médecin malgré lui, acte III,
scène 6, 1666. Texte modernisé.
1. Tout à l'heure. 2. Pendant ce temps. 3. Savants. 4. Incompatibilité. 5. Dominer. 6. Partie creuse. 7. Retrouvé. 8. De remettre
en question la
décision que
j'ai prise. 9. Inutilement. 10. Seront inutiles. 11. Il n'y a aucune autorité paternelle.
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1
Le Médecin malgré lui,
mise en scène de Charlotte
Matzneff, compagnie
Le Grenier de Babouchka,
théâtre Le Ranelagh, 2025.
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