Séquence 5
Lecture 2/9

Dantès, entre retrouvailles et rivalité amoureuse

Parcours de lecture - Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1844-1846

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Pourquoi la destinée amoureuse de Dantès est‑elle contrariée ?

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Objectif : découvrir et comprendre le personnage de Mercédès.
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Texte

De retour à Marseille après une longue absence, Edmond Dantès s'empresse de rejoindre sa fiancée Mercédès, impatiente de le retrouver. Mais il découvre sa bien-aimée en compagnie d'un homme qui lui est inconnu. L'individu, jeune pêcheur prénommé Fernand Mondego, se trouve être le cousin de la belle Catalane.

Il faut que nos lecteurs nous suivent à travers l'unique rue de ce petit village, et entrent avec nous dans une de ces maisons auxquelles le soleil a donné, au dehors, cette belle couleur feuille morte particulière aux monuments du pays, et, au-dedans, une couche de badigeon1, cette teinte blanche qui forme le seul ornement des posadas2 espagnoles.
Une belle jeune fille aux cheveux noirs comme le jais3, aux yeux veloutés comme ceux de la gazelle, se tenait debout, adossée à une cloison, et froissaitventre ses doigts effilés et d'un dessin antique une bruyère innocente dont elle arrachait les fleurs, et dont les débris jonchaient déjà le sol ; en outre, ses bras nus jusqu'au coude, ses bras brunis, mais qui semblaient modelés sur ceux de la Vénus d'Arles4, frémissaient d'une sorte d'impatience fébrile5, et elle frappait la terre de son pied souple et cambré6, de sorte que l'on entrevoyait la forme pure, fière et hardie7 de sa jambe, emprisonnée dans un bas de coton rouge à coins gris et bleus.
À trois pas d'elle, assis sur une chaise qu'il balançait d'un mouvement saccadé, appuyant son coude à un vieux meuble vermoulu, un grand garçon de vingt à vingt-deux ans la regardait d'un air où se combattaient l'inquiétude et le dépit ; ses yeux interrogeaient, mais le regard ferme et fixe de la jeune fille dominait son interlocuteur.
« Voyons, Mercédès, disait le jeune homme, voici Pâques qui va revenir, c'est le moment de faire une noce, répondez-moi !
– Je vous ai répondu cent fois, Fernand, et il faut en vérité que vous soyez bien ennemi de vous-même pour m'interroger encore !
– Eh bien, répétez-le encore, je vous en supplie, répétez-le encore pour que j'arrive à le croire. Dites-moi pour la centième fois que vous refusez mon amour, qu'approuvait votre mère ; faites-moi bien comprendre que vous vous jouez de mon bonheur, que ma vie et ma mort ne sont rien pour vous. Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! avoir rêvé dix ans d'être votre époux, Mercédès, et perdre cet espoir qui était le seul but de ma vie !
– Ce n'est pas moi du moins qui vous ai jamais encouragé, dans cet espoir, Fernand, répondit Mercédès ; vous n'avez pas une seule coquetterie8 à me reprocher à votre égard. Je vous ai toujours dit : « Je vous aime comme un frère, mais n'exigez jamais de moi autre chose que cette amitié fraternelle, car mon coeur est à un autre. » Vous ai-je toujours dit cela, Fernand ?
– Oui, je le sais bien, Mercédès, répondit le jeune homme ; oui, vous vous êtes donné, vis-à-vis de moi, le cruel mérite de la franchise ; mais oubliez-vous que c'est parmi les Catalans9 une loi sacrée de se marier entre eux ?
– Vous vous trompez, Fernand, ce n'est pas une loi, c'est une habitude, voilà tout ; et, croyez-moi, n'invoquez pas cette habitude en votre faveur. Vous êtes tombé à la conscription10, Fernand ; la liberté qu'on vous laisse, c'est une simple tolérance ; d'un moment à l'autre vous pouvez être appelé sous les drapeaux. Une fois soldat, que ferez-vous de moi, c'est-à-dire d'une pauvre fille orpheline, triste, sans fortune, possédant pour tout bien une cabane presque en ruines, où pendent quelques filets usés, misérable héritage laissé par mon père à ma mère et par ma mère à moi ? Depuis un an qu'elle est morte, songez donc, Fernand, que je vis presque de la charité publique ! Quelquefois vous feignez que je vous suis utile, et cela pour avoir le droit de partager votre pêche avec moi ; et j'accepte, Fernand, parce que vous êtes le fils d'un frère de mon père, parce que nous avons été élevés ensemble et plus encore parce que, par-dessus tout, cela vous ferait trop de peine si je vous refusais. Mais je sens bien que ce poisson que je vais vendre et dont je tire l'argent avec lequel j'achète le chanvre que je file, je sens bien, Fernand, que c'est une charité.
— Et qu'importe, Mercédès, si, pauvre et isolée que vous êtes, vous me convenez ainsi mieux que la fille du plus fier armateur ou du plus riche banquier de Marseille ! À nous autres, que nous faut-il ? Une honnête femme et une bonne ménagère. Où trouverais-je mieux que vous sous ces deux rapports ?
— Fernand, répondit Mercédès en secouant la tête, on devient mauvaise ménagère et on ne peut répondre de rester honnête femme lorsqu'on aime un autre homme que son mari. Contentez-vous de mon amitié, car, je vous le répète, c'est tout ce que je puis vous promettre, et je ne promets que ce que je suis sûre de pouvoir donner. [...]
Il se leva, fit un tour dans la cabane et revint, s'arrêta devant Mercédès, l'œil sombre et les poings crispés.
« Voyons, Mercédès, dit-il, encore une fois répondez : est-ce bien résolu ?
— J'aime Edmond Dantès, dit froidement la jeune fille, et nul autre qu'Edmond ne sera mon époux.
— Et vous l'aimerez toujours ?
— Tant que je vivrai. »
Fernand baissa la tête comme un homme découragé, poussa un soupir qui ressemblait à un gémissement ; puis tout à coup relevant le front, les dents serrées et les narines entrouvertes :
« Mais s'il est mort ?
— S'il est mort, je mourrai.
— Mais s'il vous oublie ?
— Mercédès ! cria une voix joyeuse au dehors de la maison, Mercédès !
— Ah ! s'écria la jeune fille en rugissant de joie et en bondissant d'amour, tu vois bien qu'il ne m'a pas oubliée, puisque le voilà ! »
Et elle s'élança vers la porte, qu'elle ouvrit en s'écriant :
« À moi, Edmond ! me voici. »
Fernand, pâle et frémissant, recula en arrière, comme fait un voyageur à la vue d'un serpent, et, rencontrant sa chaise, il y retomba assis.
Edmond et Mercédès étaient dans les bras l'un de l'autre. Le soleil ardent de Marseille, qui pénétrait à travers l'ouverture de la porte les inondait d'un flot de lumière. D'abord ils ne virent rien de ce qui les entourait. Un immense bonheur les isolait du monde, et ils ne parlaient que par ces mots entrecoupés qui sont les élans d'une joie si vive qu'ils semblent l'expression de la douleur.
Tout à coup Edmond aperçut la figure sombre de Fernand, qui se dessinait dans l'ombre, pâle et menaçante ; par un mouvement dont il ne se rendit pas compte lui-même, le jeune Catalan tenait la main sur le couteau passé à sa ceinture.
« Ah ! pardon, dit Dantès en fronçant le sourcil à son tour, je n'avais pas remarqué que nous étions trois. »
Puis, se tournant vers Mercédès :
« Qui est ce monsieur ? demanda-t-il.
— Monsieur sera votre meilleur ami, Dantès, car c'est mon ami à moi, c'est mon cousin, c'est mon frère ; c'est Fernand ; c'est-à-dire l'homme qu'après vous, Edmond, j'aime le plus au monde ; ne le reconnaissez-vous pas ?
— Ah ! si fait », dit Edmond ; et, sans abandonner Mercédès dont il tenait la main serrée dans une des siennes, il tendit avec un mouvement de cordialité son autre main au Catalan.
Mais Fernand, loin de répondre à ce geste amical, resta muet et immobile comme une statue.
Alors Edmond promena son regard investigateur de Mercédès, émue et tremblante, à Fernand, sombre et menaçant.
Ce seul regard lui apprit tout.
Alexandre Dumas
Le Comte de Monte-Cristo, chapitre 3, 1844-1846.

1. Lait de chaux servant à enduire et imperméabiliser un mur.
2. Auberges.
3. Pierre fossile d'un noir brillant.
4. Statue de vénus en marbre découverte près d'Arles en 1651.
5. Excessivement agité et nerveux.
6. Arqué, courbé.
7. Osée, qui dépasse les règles de convenance.
8. Attitude visant à séduire en attirant l'attention.
9. Communauté de pêcheurs des pays catalans installés à Marseille.
10. Service militaire.


Alexandre Dumas, Le Comte de Monte‑Cristo, chapitre 3, 1844‑1846.

Crédits : Christian Gazeau / Lelivrescolaire.fr
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Images

Placeholder pour Francisco Hayez, Le BaiserFrancisco Hayez, Le Baiser
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Francisco Hayez, Le Baiser(détail), 1859, huile sur toile, 12 cm x 88 cm, Pinacothèque de Brera, Milan, Italie.

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Edvard Munch, Jalousie, 1896, musée Munch, Oslo, Norvège.
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Questions
Lecture accompagnée

Réagir

1. a. Comment se passent les retrouvailles entre Dantès et Mercédès ? Quelle atmosphère se dégage de cette scène ?

Enquêter

2. a. Désignez et caractérisez Mercédès et Mondego en relevant des .

b. Expliquez quels sont les sentiments respectifs des personnages en vous appuyant sur des éléments précis.

3. a. Expliquez la phrase de Mercédès : « Vous vous trompez, Fernand, ce n'est pas une loi, c'est une habitude, voilà tout. » (l. 50). Quelle est cette loi sacrée invoquée par Mondego ?

b. Précisez deux raisons pour lesquelles Mercédès décline les avances de Fernand.

Faire le point

4. a. En quoi Fernand menace-t-il la relation de couple établie entre Dantès et Mercédès.

b. Complétez les cartes d'identité de Mercédès, Mondego et Dantès à partir des nouveaux éléments.

Lire une image

  • Caractérisez les types de relations respectivement mises en valeur par les deux peintures. Quelle peinture illustrerait le mieux l'extrait selon vous ? Justifiez votre réponse.

  • À quels protagonistes peut-on associer les personnages figurés sur les peintures  ?
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    Suppléments numériques

    Parcours autonome.
    Présentez chacun des trois personnages comme si vous vous adressiez à un camarade ne connaissant pas l'œuvre. Retenez pour chacun trois informations importantes à lui transmettre.

    Élèves allophones.
    Relevez dans le dialogue la phrase par laquelle Mercédès exprime l'équivalent de l'expression suivante : « ce n'est pas possible, il est inutile d'insister ».
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    Suppléments numériques

    Découvrez des Catalans, quartier de Marseille situé en bord de mer.
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    Expression

    Après sa rencontre avec Mercédès, Dantès rejoint son père. Il lui raconte son retour au port et son échange avec la jeune femme.
    Vous rédigerez leur dialogue, incluant un monologue de Dantès dans lequel il explique ce qui lui est arrivé et fait part de ses émotions et de ses sentiments.
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