Séquence 5
Lecture 5/9

Monte-Cristo, un masque de composition

Parcours de lecture - Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1844-1846

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Comment Dantès s'inscrit‑il dans la haute société parisienne ?

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Objectif : comprendre et analyser une scène de la vie mondaine.
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Texte

1838. Désormais libre et richissime, paré du titre de comte de Monte-Cristo, Dantès s'introduit dans le cercle parisien des traitres devenus riches et puissants. Mercédès a épousé Fernand Mondego. Ce dernier, devenu général et comte de Morcerf, convie Monte-Cristo à une grande réception qu'il organise, ignorant qu'il s'agit de Dantès.

Nous l'avons déjà dit, le comte, soit prestige factice1, soit prestige naturel, attirait l'attention partout où il se présentait ; ce n'était pas son habit noir, irréprochable il est vrai dans sa coupe, mais simple et sans décorations ; ce n'était pas son gilet blanc sans aucune broderie ; ce n'était pas son pantalon emboîtant un pied de la forme la plus délicate, qui attiraient l'attention ; c'étaient son teint mat, ses cheveux noirs ondés2, c'était son visage calme et pur, c'était son œil profond et mélancolique, c'était enfin sa bouche dessinée avec une finesse merveilleuse, et qui prenait si facilement l'expression d'un haut dédain, qui faisaient que tous les yeux se fixaient sur lui.
Il pouvait y avoir des hommes plus beaux, mais il n'y en avait certes pas de plus significatifs, qu'on nous passe cette expression : tout dans le comte voulait dire quelque chose et avait sa valeur ; car l'habitude de la pensée utile avait donné à ses traits, à l'expression de son visage et au plus insignifiant de ses gestes une souplesse et une fermeté incomparables.
Et puis notre monde parisien est si étrange, qu'il n'eût peut-être point fait attention à tout cela, s'il n'y eût eu sous tout cela une mystérieuse histoire dorée par une immense fortune.
Quoi qu'il en soit, il s'avança, sous le poids des regards et à travers l'échange des petits saluts, jusqu'à madame de Morcerf, qui, debout devant la cheminée garnie de fleurs, l'avait vu apparaître dans une glace placée en face la porte, et s'était préparée pour le recevoir.
Elle se retourna donc vers lui avec un sourire composé, au moment même où il s'inclinait devant elle.
Sans doute elle crut que le comte allait lui parler ; sans doute, de son côté, le comte crut qu'elle allait lui adresser la parole ; mais des deux côtés ils restèrent muets, tant une banalité leur semblait sans doute indigne de tous deux ; et, après un échange de saluts, Monte-Cristo se dirigea vers Albert, qui venait à lui la main ouverte. « Vous avez vu ma mère ? demanda Albert.
– Je viens d'avoir l'honneur de la saluer, dit le comte, mais je n'ai point aperçu votre père.
– Tenez ! il cause politique, là-bas, dans ce petit groupe de grandes célébrités.
– En vérité, dit Monte-Cristo, ces messieurs que je vois là-bas sont des célébrités ? je ne m'en serais pas douté ! Et de quel genre ? Il y a des célébrités de toute espèce, comme vous savez.
– Il y a d'abord un savant, ce grand monsieur sec ; il a découvert dans la campagne de Rome une espèce de lézard qui a une vertèbre de plus que les autres, et il est revenu faire part à l'Institut de cette découverte. La chose a été longtemps contestée ; mais force est restée au grand monsieur sec. La vertèbre avait fait beaucoup de bruit dans le monde savant ; le grand monsieur sec n'était que chevalier de la Légion d'honneur, on l'a nommé officier.
– À la bonne heure ! dit Monte-Cristo, voilà une croix qui me paraît sagement donnée ; alors, s'il trouve une seconde vertèbre, on le fera commandeur ? – C'est probable, dit Morcerf.
– Et cet autre qui a eu la singulière idée de s'affubler d'un habit bleu brodé de vert, quel peut-il être ?
– Ce n'est pas lui qui a eu l'idée de s'affubler de cet habit : c'est la République, laquelle, comme vous le savez, était un peu artiste, et qui, voulant donner un uniforme aux académiciens a prié David de leur dessiner un habit.
– Ah ! vraiment dit Monte-Cristo ; ainsi ce monsieur est académicien ? — Depuis huit jours il fait partie de la docte assemblée.
– Et quel est son mérite, sa spécialité ?
– Sa spécialité ? Je crois qu'il enfonce des épingles dans la tête des lapins, qu'il fait manger de la garance aux poules et qu'il repousse avec des baleines la moelle épinière des chiens.
– Et il est de l'Académie des sciences pour cela ?
– Non pas, de l'Académie française.
– Mais qu'a donc à faire l'Académie française là-dedans ?
– Je vais vous dire, il paraît…
– Que ses expériences ont fait faire un grand pas à la science, sans doute ?
– Non, mais qu'il écrit en fort bon style.
– Cela doit, dit Monte-Cristo, flatter énormément l'amour-propre des lapins à qui il enfonce des épingles dans la tête, des poules dont il teint les os en rouge, et des chiens dont il repousse la moelle épinière. [...]
En ce moment le comte sentit qu'on lui posait la main sur le bras ; il se retourna, c'était Danglars.
« Ah ! c'est vous, baron ! dit-il.
– Pourquoi m'appelez-vous baron ? dit Danglars ; vous savez bien que je ne tiens pas à mon titre. Ce n'est pas comme vous, vicomte ; vous y tenez, n'est-ce pas, vous ?
– Certainement, répondit Albert, attendu que si je n'étais pas vicomte, je ne serais plus rien, tandis que vous, vous pouvez sacrifier votre titre de baron, vous resterez encore millionnaire.
– Ce qui me paraît le plus beau titre sous la royauté de Juillet, reprit Danglars.
– Malheureusement, dit Monte-Cristo, on n'est pas millionnaire à vie comme on est baron, pair de France ou académicien ; témoin les millionnaires Frank et Poulmann, de Francfort, qui viennent de faire banqueroute3.
Alexandre Dumas
Le Comte de Monte-Cristo, chapitre 70, 1844-1846.

1. Artificiel, imité, faux.
2. La disposition souple rappelle les ondulations de l'eau.
3. Faillite accompagnée d'infractions à la loi.

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte‑Cristo, chapitre 70, 1844‑1846.

Crédits : Christian Gazeau et Henri Saint-Macary / Lelivrescolaire.fr
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Images

Placeholder pour Salon mauresque, Monte-CristoSalon mauresque, Monte-Cristo
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Salon mauresque restauré du château de Monte‑Cristo, somptueuse résidence commandée par Alexandre Dumas et construite en 1846 à Port‑Marly, Yvelines.

Placeholder pour Jean Béraud, Scène de balJean Béraud, Scène de bal
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Jean Béraud, Scène de bal, 1880.
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Questions
Lecture accompagnée

Réagir

1. Sous quelle identité Dantès se fait-il connaitre ? Pourquoi apparait-il totalement transformé ?

Enquêter

2. Complétez la carte d'identité de Dantès à l'aide du tableau ci-dessous :

Portrait de DantèsApparence et allure généraleVisageVêtements
Désignation et caractérisation
Connotations et effet(s) produit(s) sur le lecteur


3. a. Recopiez le passage dans lequel le narrateur s'adresse au lecteur.

3. b. Langue. Comment appelle-t-on ce procédé d'écriture ? Quel est l'effet produit ?

4. Recherche doc. Relevez les titres de noblesse et distinctions honorifiques et définissez-les. Selon vous, pourquoi ces personnalités se retrouvent-elles à la soirée mondaine ?

5. « Ce qui me paraît le plus beau titre sous la royauté de Juillet, reprit Danglars. » Que nous apprend cette affirmation sur les priorités et valeurs de Danglars ? Présentez le régime politique évoqué.
6. Dantès apparait sous un nouveau jour. Établissez un lien entre cette étape de son évolution, le titre du roman et la problématique de séquence.

7. Quel regard Dantès porte-t-il sur la vie mondaine ? Justifiez en vous appuyant sur les éléments du texte.

Lire une image

  • Oral. Montrez comment l'ambition d'Alexandre Dumas s'exprime à la fois dans sa vie et dans son œuvre.

  • Comment la peinture de Béraud met-elle en valeur les codes sociaux de la bourgeoisie ?
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    Suppléments numériques

    Parcours autonome.
    Comment Dantès s'inscrit-il dans la haute société parisienne ? Expliquez ce qui se passe dans l'extrait puis répondez à la question.


    Élèves allophones.
    a. Réécrivez le passage en modifiant les éléments soulignés pour transformer le personnage en un vieillard repoussant et disgracieux.

    Nous l'avons déjà dit, le comte [...] attirait l'attention partout où il se présentait ; ce n'était pas son habit noir, irréprochable il est vrai dans sa coupe, mais simple et sans décorations ; ce n'était pas son gilet blanc sans aucune broderie ; ce n'était pas son pantalon emboîtant un pied de la forme la plus délicate, qui attiraient l'attention ; c'étaient son teint mat, ses cheveux noirs ondés, c'était son visage calme et pur, c'était son œil profond et mélancolique, c'était enfin sa bouche dessinée avec une finesse merveilleuse, et qui prenait si facilement l'expression d'un haut dédain, qui faisaient que tous les yeux se fixaient sur lui.
    Il pouvait y avoir des hommes plus beaux, mais il n'y en avait certes pas de plus significatifs, qu'on nous passe cette expression.

    b. D'après l'exercice que vous venez de réaliser, pourquoi est-il important selon vous, de varier le vocabulaire dans une description ?

    c. « Certainement, répondit Albert, attendu que si je n'étais pas vicomte, je ne serais plus rien, tandis que vous, vous pouvez sacrifier votre titre de baron, vous resterez encore millionnaire. ». Reformulez cette affirmation en complétant la phrase suivante : « Certainement, répondit Albert, parce que… ».
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    Expression

    Mercédès a reconnu Dantès.
    Rédigez un dialogue dans lequel Monte-Cristo lui révèle sa véritable identité et lui raconte, en trois étapes, le sort qu'il a subi et son évasion, son ascension parisienne, et ses objectifs.
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