s'ouvre sur ce texte sans titre, qui s'apparente à un prologue. Ce dernier a
sans doute été rédigé juste avant l'impression du recueil, vers septembre 1873. Rimbaud nous
livre ce qui l'a poussé à écrire ce recueil.
Jadis1, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les
cœurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l'ai trouvée amère. – Et
je l'ai injuriée.
Je me suis armé contre la justice2.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon
trésor a été confié !
Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine.
Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.
J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils.
J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a
été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du
crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.
Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.
Or, tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier
couac3 ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais
peut‑être appétit.
La charité4 est cette clef. – Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !
« Tu resteras hyène, etc…, » se récrie le démon qui me couronna de si
aimables pavots5. « Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme
et tous les péchés capitaux. »
Ah ! j'en ai trop pris : – Mais,
cher Satan, je vous en conjure,
une prunelle moins irritée !
et en attendant les quelques
petites lâchetés en retard, vous
qui aimez dans l'