Les conquérantsComme un vol de
gerfauts1 hors du
charnier natal2,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer3,
routiers4 et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango5 mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;
Ou, penchés à l'avant de blanches
caravelles6,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
J.-M. de Heredia
Les Trophées, 1893.