Philosophie Terminale

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Chapitre 15
Réflexion 2

La religion est-elle affaire privée ?

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Texte 2
La religion a un caractère social

Dans le cadre d'une définition de son objet de réflexion, Émile Durkheim déploie ici une argumentation en faveur du caractère social de la religion. Toute croyance religieuse est d'origine et de nature sociale. Le rapport à Dieu n'est pas central. Dans cet extrait, il n'est pas même envisagé.

 Les croyances proprement religieuses sont toujours communes à une collectivité déterminée qui fait profession d'y adhérer et de pratiquer les rites qui en sont solidaires. Elles ne sont pas seulement admises, à titre individuel, par tous les membres de cette collectivité ; mais elles sont la chose du groupe et elles en font l'unitéa. Les individus qui la composent se sentent liés les uns aux autres, par cela seul qu'ils ont une foi commune. Une société dont les membres sont unis parce qu'ils se représentent de la même manière le monde sacré et ses rapports avec le monde profane, et parce qu'ils traduisent cette représentation commune dans des pratiques identiques, c'est ce qu'on appelle une Égliseb. Or, nous ne rencontrons pas, dans l'histoire, de religion sans Église. Tantôt l'Église est étroitement nationale, tantôt elle s'étend par delà les frontières ; tantôt elle comprend un peuple tout entier (Rome, Athènes, le peuple hébreu), tantôt elle n'en comprend qu'une fraction (les sociétés chrétiennes depuis l'avènement du protestantisme) ; tantôt elle est dirigée par un corps de prêtres, tantôt elle est à peu près complètement dénuée de tout organe directeur attitré. Mais partout où nous observons une vie religieuse, elle a pour substrat un groupe définic. Même les cultes dits privés, comme le culte domestique ou le culte corporatif, satisfont à cette condition ; car ils sont toujours célébrés par une collectivité, la famille ou la corporationd. Et d'ailleurs, de même que ces religions particulières ne sont, le plus souvent, que des formes spéciales d'une religion plus générale qui embrasse la totalité de la vie, ces Églises restreintes ne sont, en réalité que des chapelles dans une Église plus vaste et qui, en raison même de cette étendue, mérite davantage d'être appelée de ce nom.
Émile Durkheim
Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1912.

Aide à la lecture

a. Les croyances religieuses sont par nature collectives, avant même d'être individuelles.
b. Une Église est un groupe social qui partage les mêmes croyances religieuses, permettant de distinguer le sacré du profane, et qui pratique les mêmes rites.
c. Quelle que soit sa taille, toute Église est un groupe social.
d. Cela vaut également pour les cultes privés, parce que le caractère privé n'empêche pas l'appartenance à un groupe, si petit soit‑il.
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Durkheim - XIXe siècle

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Repères

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Question

Comment définir la notion d'Église ?
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Distinction

Relegere et Religare

Le mot religion vient du terme religio qui signifie à l'origine le scrupule qui retient l'homme d'agir de telle ou telle façon et sans lequel son acte ne serait pas respecté des dieux. Ce terme peut être rattaché à deux verbes de sens différents et a donc deux étymologies possibles. D'une part, le verbe latin relegere signifie « rassembler », « recueillir » et plus littéralement « relire ». Il insiste sur la tradition du contenu religieux qu'il faudrait conserver dans sa pureté et transmettre intact. D'autre part, le verbe religare évoque le « lien », « la ligature » entre l'homme et Dieu. Ce second sens serait d'origine chrétienne, c'est le sens que conserve Durkheim. Avec religare ce n'est pas qu'un lien entre les hommes qu'institue la religion, mais entre l'homme et le divin ou entre l'homme et le sacré. C'est la notion d'alliance.
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Commentaire

Qu'est‑ce que la religion ? Pour répondre à cette question, Émile Durkheim s'efforce de caractériser le phénomène religieux en progressant d'une définition commune à une définition sociologique. En effet, une bonne définition doit établir le caractère spécifique, c'est‑à‑dire propre, à l'objet défini.

Émile Durkheim déclare tout d'abord que la religion est une croyance, mais ne s'y attarde pas. Puis, il formule un constat selon lequel les croyances religieuses sont collectives. C'est la nature collective ou sociale de toute croyance religieuse qui est le caractère spécifique ultime que recherche l'auteur.

Or cela peut surprendre pour plusieurs raisons.

Premièrement, on pourrait penser que la croyance religieuse est avant tout une affaire privée, dépendant du consentement de l'individu. Il faudrait dès lors s'intéresser aux motifs variables qu'a l'individu de croire. Et pourtant, l'auteur insiste sur le caractère collectif des croyances religieuses, en tant qu'elles sont consubstantielles aux groupes sociaux comme tels.

Deuxièmement, on pourrait également penser qu'une croyance religieuse se caractérise spécifiquement par son contenu, lequel concernerait la distinction du sacré et du profane. Mais justement, l'auteur dit implicitement que la distinction du sacré et du profane est une affaire publique, c'est‑à‑dire relevant de la collectivité. Il y a donc une origine sociale des croyances religieuses.

Durkheim ne fait pas ici seulement référence à la religion chrétienne et à son institution, l'Église, mais il prend le terme au sens large et conformément à son étymologie grecque ekklesia, qui désigne une assemblée. C'est pourquoi « Église » pourrait être le nom convenable et spécifique pour désigner un groupe social partageant les mêmes croyances religieuses, quelle que soit par ailleurs sa taille.

A la fin du premier chapitre du livre, Émile Durkheim donne la célèbre définition de la religion : « Nous arrivons donc à la définition suivante : une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est‑à‑dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. »

Le second élément qui prend ainsi place dans notre définition n'est pas moins essentiel que le premier, car en montrant que l'idée de religion est inséparable de l'idée d'Église, il fait pressentir que la religion doit être une chose éminemment collective.

Durkheim donne une définition sociologique de la religion. Fondateur de la sociologie, il s'agit pour lui d'étudier les « faits sociaux comme des choses ». Ainsi, il déclare : « entre Dieu et la Société, il faut choisir. Ce choix me laisse assez indifférent, car je ne vois dans la divinité que la société transfigurée et pensée symboliquement. »

De plus, il souhaite insister sur la dimension « coercitive » de la religion, laquelle dicte des règles de vie aux croyants : « La violation des interdits religieux passe souvent pour déterminer mécaniquement des désordres matériels dont le coupable est censé pâtir et qui sont considérés comme une sanction de son acte. Mais, alors même qu'elle se produit réellement, cette sanction spontanée et automatique ne reste pas la seule ; elle est toujours complétée par une autre qui suppose une intervention humaine. Ou bien une peine proprement dite s'y surajoute, quand elle ne l'anticipe pas, et cette peine est délibérément infligée par les hommes ; ou, tout au moins, il y a blâme, réprobation publique. Alors même que le sacrilège a été comme puni par la maladie ou la mort naturelle de son auteur, il est, de plus, flétri ; il offense l'opinion qui réagit contre lui ; il met celui qui l'a commis en état de faute ». Ces règles qui prescrivent ou interdisent certaines actions constituent donc la morale propre à une religion.
Schéma sur la religion 1
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Texte 3
L'État doit tolérer les choix religieux

Texte fondateur

Le pouvoir de l'État ne concerne que les biens temporels. Les choix religieux du peuple doivent donc être tolérés, le salut des âmes n'appartenant pas aux prérogatives politiques.
Malgré nos demandes, les ayants droit de ce texte refusent que nous affichions celui-ci sur notre site en libre accès. Nous le regrettons profondément et nous excusons pour la gêne occasionnée.
Aristote
Lettre sur la tolérance, 1689, © Flammarion, 2007.

Aide à la lecture

a. Locke a vu sa vie menacée par un pouvoir théologico‑politique. Son nom a été porté sur une liste de complotistes contre le Roi. Il a fui à Amsterdam et y a vécu sous un nom d'emprunt.
Notes de bas de page

1. Remis
2. Dépositaire de l'autorité de l'Etat.
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Locke - XVIIe siècle

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Repères

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Question

Une religion d'État aurait-elle du sens ?
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Texte 4
Deux laïcités

La laïcité de l'État français, impliquée par la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, ne doit pas être confondue avec la laïcité de la société civile.

 Il me semble qu'il y a dans la discussion publique une méconnaissance des différences entre deux usages du terme laïcité ; sous le même mot sont désignées en effet deux pratiques fort différentes : la laïcité de l'État, d'une part ; celle de la société civile, d'autre part. La première se définit par l'abstention. C'est l'un des articles de la Constitution française : l'État ne reconnaît, ni ne subventionne aucun culte. Il s'agit du négatif de la liberté religieuse dont le prix est que l'État, lui, n'a pas de religion. Cela va même plus loin, cela veut dire que l'État ne « pense » pas, qu'il n'est ni religieux ni athée ; on est en présence d'un agnosticisme institutionnela. […]

 De l'autre côté, il existe une laïcité dynamique, active, polémique, dont l'esprit est lié à celui de la discussion publique. Dans une société pluraliste comme la nôtre, les opinions, les convictions, les professions de foi s'expriment et se publient librement. Ici, la laïcité me paraît être définie par la qualité de la discussion publique, c'est‑à‑dire par la reconnaissance mutuelle du droit de s'exprimer ; mais, plus encore, par l'acceptabilité des arguments de l'autreb. […]

 Si je n'ai pas encore parlé de l'école, c'est parce qu'on en arrive toujours trop vite à cette question, sans avoir au préalable pris la précaution de distinguer les deux formes de laïcité : la négative, d'abstention, qui est celle de l'État ; la positive, de confrontation, qui est celle de la société civile. Or ce qui rend très difficile le problème de l'école, c'est que celle‑ci se trouve dans une position mitoyenne entre l'État, dont elle est une expression en tant que service public – à cet égard, elle doit comporter l'élément d'abstention qui lui est propre –, et la société qui l'investit de l'une de ses fonctions les plus importantes : l'éducationc.
Paul Ricœur
La Critique et la Conviction, Calmann‑Lévy, 1995.

Aide à la lecture

a. L'agnosticisme est une position philosophique qui consiste à suspendre son jugement lorsqu'il n'est pas possible de savoir. Celle-ci est souvent rattachée au principe de laïcité qui est la position de l'État français puisqu'il s'abstient de choisir entre une religion officielle et l'athéisme.
b. Il s'agit d'une tolérance envers un point de vue qu'on ne partage pas, on reconnaît alors que l'on ne peut pas trancher entre certaines valeurs.
c. L'école n'est un problème qu'en raison de sa dualité : fonction civile et mission publique.
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Placeholder pour Paul RicœurPaul Ricœur
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Ricœur - XXe siècle

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Question

Quels sont les différends non solubles par le consensus ?
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Texte 5
Les dogmes d'une religion civile sont utiles

Rousseau considère qu'il existe une liberté privée théologique et une religion publique. Politiquement, une religion publique incite le citoyen à accomplir ses devoirs.

 Chacun peut avoir, au surplus, telles opinions qu'il lui plaît, sans qu'il appartienne au souverain d'en connaître : car, comme il n'a point de compétence dans l'autre monde, quel que soit le sort des sujets dans la vie à venir, ce n'est pas son affaire, pourvu qu'ils soient bons citoyens dans celle‑ci.

Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèlea. Sans pouvoir obliger personne à les croire, il peut bannir de l'État quiconque ne les croit pas ; il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son devoir. Que si quelqu'un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu'il soit puni de mort ; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois.

 Les dogmes de la religion civile doivent être simples, en petit nombre, énoncés avec précision, sans explications ni commentaires. L'existence de la divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois ; voilà les dogmes positifs. Quant aux dogmes négatifs, je les borne à un seul, c'est l'intolérance : elle rentre dans les cultes que nous avons exclusb.
Jean‑Jacques Rousseau
Du contrat social, ou principes du droit politique, 1762.

Aide à la lecture

a. Le souverain ne doit avoir le souci que de la vie terrestre de son peuple. Ainsi, les dogmes civiques ne visent pas le salut mais l'entente sociale.
b. Il est important d'interdire l'intolérance religieuse car elle trouble l'ordre civil ; Rousseau s'en explique ainsi : « Il est impossible de vivre en paix avec des gens que l'on croit damnés. »
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Placeholder pour Jean-Jacques RousseauJean-Jacques Rousseau
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Rousseau - XVIIIe siècle

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Question

Quels sont les devoirs prescrits par la religion civile ?
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Activité

Comparez les thèses des auteurs du texte 3, du texte 4 et du texte 5 avec la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.
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