Les sciences offrent une connaissance du monde et permettent de mieux comprendre les phénomènes naturels. La concordance
entre les théories et les observations peut sembler étonnante, au point de déclarer, comme Galilée, que « la nature est écrite
en langage mathématique ». Cependant, les êtres humains ne sont-ils pas les auteurs plutôt que les lecteurs de ce livre de
la nature ? Les théories forment peut-être ensemble un système de compréhension du monde cohérent, qui se superpose à
la nature en prétendant la décrire. Cette compréhension de la nature est également en évolution. Chaque grande découverte
scientifique renouvelle le modèle explicatif (paradigme), comme ce fut le cas lors du passage du géocentrisme à l’héliocentrisme.
Doc. 1
Une révolution scientifique est un changement de
vision du monde
La science normale, cette activité consistant comme
nous venons de le voir à résoudre des énigmes, est une
entreprise fortement cumulative qui réussit éminemment à remplir son but : étendre régulièrement, en
portée et en précision, la connaissance scientifique. À
tous ces points de vue, elle correspond très exactement
à l’image la plus courante que l’on se fait du travail
scientifique. Nous n’y voyons pourtant pas figurer l’un
des éléments habituels de l’entreprise scientifique. La
science normale ne se propose pas de découvrir des nouveautés, ni en matière de théorie ni en ce qui concerne
les faits, et, quand elle réussit dans sa recherche, elle
n’en découvre pas. Pourtant la recherche scientifique
découvre très souvent des phénomènes nouveaux et
insoupçonnés, et les savants inventent continuellement
des théories radicalement nouvelles. […]
La découverte commence avec la conscience d’une
anomalie, c’est‑à‑dire l’impression que la nature, d’une
manière ou d’une autre, contredit les résultats attendus dans le cadre du paradigme qui gouverne la science
normale. Il y a ensuite une exploration, plus ou moins
prolongée, du domaine de l’anomalie. Et l’épisode n’est
clos que lorsque la théorie du paradigme1
est réajustée
afin que le phénomène anormal devienne attendu. L’assimilation d’un nouveau type de faits est donc beaucoup
plus qu’un complément qui s’ajouterait simplement
à la théorie et, jusqu’à ce que le réajustement qu’elle
exige soit achevé – jusqu’à ce que l’homme de science
ait appris à voir la nature d’une manière différente –,
le fait nouveau n’est pas tout à fait un fait scientifique.
[…] Bien que le monde ne change pas après un
changement de paradigme, l’homme de science travaille désormais dans un monde différent. […] Il n’est
pas possible de réduire ce qui se passe durant une révolution scientifique à une réinterprétation de données
stables et indépendantes.
1. Kuhn définit ainsi cette notion : « les paradigmes, c’est‑à‑dire
les découvertes scientifiques universellement reconnues qui, pour
un temps, fournissent à une communauté de chercheurs des
problèmes types et des solutions. »
Doc. 2
Qu’est-ce que la mécanique quantique ?
La physique classique décrit parfaitement notre environnement quotidien, mais devient inopérante à l’échelle
microscopique des atomes et des particules. Les scientifiques doivent alors utiliser la mécanique « quantique »
pour laquelle les quantités de matière ou d’énergie échangées ne peuvent plus prendre n’importe quelles valeurs
mais seulement des valeurs discrètes ou « quanta ».
Par ailleurs, la physique classique décrit différemment un corpuscule (atome, particule) et une onde
(lumière, électricité) tandis que la mécanique quantique ne les distingue plus. Pour elle, un photon, un
électron ou même un atome sont à la fois une onde et
un corpuscule.
Une onde‑corpuscule peut se trouver dans une
superposition d’états qui est une sorte de potentialité
de tous ses états possibles. Un objet quantique peut
ainsi avoir des probabilités différentes d’être ici ou là
et on ne peut être certain qu’il est en un seul lieu que
lorsqu’on effectue une mesure. Le processus de mesure
impose à l’onde-corpuscule un état bien défini.
Dominique Sarraute, « L’essentiel sur
la mécanique quantique », CEA, mai 2019.
Doc. 3
Les conséquences d’une révolution scientifique
On pourrait dire, pour retracer très grossièrement
cette histoire de l’espace, qu’il était au Moyen Âge un
ensemble hiérarchisé de lieux : lieux sacrés et lieux profanes, lieux protégés et lieux au contraire ouverts et sans
défense, lieux urbains et lieux campagnards (voilà pour
la vie réelle des hommes) ; pour la théorie cosmologique, il y avait les lieux supra-célestes opposés au lieu
céleste ; et le lieu céleste à son tour s’opposait au lieu
terrestre ; il y avait les lieux où les choses se trouvaient
placées parce qu’elles avaient été déplacées violemment
et puis les lieux, au contraire, où les choses trouvaient
leur emplacement et leur repos naturels. C’était toute
cette hiérarchie, cette opposition, cet entrecroisement
de lieux qui constituait ce qu’on pourrait appeler très
grossièrement l’espace médiéval : espace de localisation.
Cet espace de localisation s’est ouvert avec Galilée,
car le vrai scandale de l’œuvre de Galilée, ce n’est pas
tellement d’avoir découvert, d’avoir redécouvert plutôt, que la Terre tournait autour du soleil, mais d’avoir
constitué un espace infini, et infiniment ouvert ; de
telle sorte que le lieu du Moyen Âge s’y trouvait en
quelque sorte dissous, le lieu d’une chose n’était plus
qu’un point dans son mouvement, tout comme le repos
d’une chose n’était que son mouvement indéfiniment
ralenti. Autrement dit, à partir de Galilée, à partir du
XVIIe
siècle, l’étendue se substitue à la localisation.
⬥ La « science normale » est définie comme étant le fonctionnement ordinaire de la science, à l’intérieur d’un
paradigme dominant. Ainsi que le montre Kuhn, toutes
les découvertes de la science dans ce mode de fonctionnement doivent être en accord avec ce paradigme.
Le savoir scientifique est-il le seul que l’on puisse
concevoir ? Les scientifiques ont-ils alors le monopole
de la connaissance ?
⬥ Par ailleurs, toute science n’est pas appliquée. Par
exemple, les propositions mathématiques continueraient d’être vraies, quand bien même l’univers
disparaîtrait. Quelle connaissance du monde les
mathématiques apportent-elles ?
⬥ Il s’agit également de s’interroger sur la scientificité des sciences non expérimentales. Les sciences
humaines sont-elles des sciences ?
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