Dans ce roman jeunesse, Tomek, un jeune garçon, décide
de partir à la recherche de la rivière qui coule à l'envers pour
en ramener l'eau à une jeune fille dont il est tombé amoureux.
Dans sa quête, il rencontre Marie, qui se trouve ici pour une
histoire d'amour, à l'orée d'une forêt bien particulière...
– Oui, cette forêt est la mère de toutes les forêts, c'est la
plus ancienne et la plus grande. En tout cas la plus longue. Tu
sais comment elle s'appelle ?
– Non, répondit Tomek. [...]
– Elle s'appelle la Forêt de l'Oubli. Et tu sais pourquoi ?
– Non, répondit Tomek, en se disant qu'il ne savait décidément
pas grand-chose.
– Elle s'appelle la Forêt de l'Oubli parce qu'on oublie immédiatement
ceux qui y entrent... [...]
– Tu veux dire qu'ils ne reviennent plus et qu'on finit par
les oublier ?
– Non. Pas du tout. Je veux dire qu'on les oublie dès qu'ils
y entrent. Comme s'ils n'existaient plus, comme s'ils n'avaient
jamais existé. La forêt les avale tout entiers, et avec eux le
souvenir qu'on en a. Ils sortent à la fois de notre vue et de
notre mémoire. Tu comprends ?
– Pas tout à fait...
– Bon. Je vais te donner un exemple. Tes parents pensent
sans doute à toi en ce moment, ils se demandent où tu es,
ce que tu...
Tomek l'interrompit :
– Je n'ai plus de parents. Je suis orphelin.
– Bien, alors dis-moi le nom de quelqu'un qui te connaît
très bien et qui t'aime beaucoup.
Tomek n'eut pas à hésiter :
– Icham. C'est mon meilleur ami.
– Parfait. Cette personne pense donc certainement à toi
en ce moment, elle se demande si tu vas bien, ce que tu fais,
quand tu vas revenir, non ?
– Si, certainement... répondit Tomek, et son coeur se serra.
– Eh bien, dès que tu auras mis un pied dans cette forêt
[...], Icham n'aura plus le moindre souvenir de toi. Pour lui,
tu n'auras jamais existé, et si on lui demande des nouvelles
de Tomek, ce qui est d'ailleurs impossible puisque personne
ne peut demander des nouvelles de quelqu'un qui n'existe
plus, mais admettons qu'on puisse le faire et donc qu'on lui
demande des nouvelles de Tomek, eh bien, il répondra : « Des
nouvelles de qui ? » Et cela aussi longtemps que tu resteras
dans la forêt. À l'inverse, dès que tu en sortiras, si tu en sors,
tout sera comme avant et ton ami Icham pourra se demander : « Tiens, et ce bandit de Tomek, qu'est-ce qu'il peut bien
fabriquer à l'heure qu'il est ? »
– Et... et si je n'en sors pas ? demanda faiblement Tomek.
– Si tu n'en sors pas, alors tu seras oublié pour l'éternité.
Ton nom ne dira rien à personne. Ce sera comme si tu n'avais
pas vécu.