Des lois injustes existent : nous satisferons‑nous de leur obéir ou tâcherons‑nous de les amender, de leur obéir jusqu'à ce que nous y ayons réussi, ou les transgresserons-nous sur‑le‑champ ? Les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, estiment en général qu'ils doivent attendre d'avoir persuadé la majorité de les altérer. Ils pensent que s'ils résistaient, le remède serait pire que le mal. […]
Si l'injustice fait partie des frottements nécessaires de la machine du gouvernement, alors qu'on la permette ; elle s'estompera peut‑être – en tout cas, la machine tombera en panne. Si l'injustice a un ressort, une poulie ou une corde, voire une manivelle qui lui soient spécifiques, on peut alors se demander si la volonté de correction ne sera pas pire que le mal ; mais si elle est d'une telle nature qu'elle fasse de vous l'agent de l'injustice vis‑à‑vis d'autrui alors je déclare qu'il faut enfreindre la loia. Que votre vie devienne un contre‑frottement pour arrêter la machine. Ce à quoi je dois veiller, à tout le moins, c'est à ne pas me prêter au mal que je condamne. […]
Une minorité est impuissante tant qu'elle se conforme à la majorité ; ce n'est du reste plus une minorité ; mais elle devient irrésistible quand elle la bloque de tout son poidsb. Si l'alternative était de mettre tous les justes en prison ou renoncer à la guerre et à l'esclavage, l'État ne balancerait pas dans son choix. Si un millier d'hommes refusaient de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une mesure violente et sanguinaire, comme le fait de les payer et permettre à l'État de commettre la violence et de verser le sang innocentc. Telle est, en fait, la définition d'une révolution paisible, si semblable chose est possible. Si le percepteur, ou tout autre fonctionnaire, me demande, comme a fait l'un d'eux : « Mais que voulez‑vous que je fasse ? », ma réponse est : « Si vous voulez vraiment faire quelque chose, démissionnez. » Une fois que le sujet a refusé son allégeance et que le fonctionnaire a démissionné, la révolution est accomplied.
L'existence de lois injustes est un fait : comment dès lors agir face à cette réalité ?
Il convient de distinguer différentes formes d'injustices légales et de déterminer la conduite à tenir dans chaque cas.