Le temps représente un enjeu existentiel, culturel, moral, politique et épistémologique.
Le désir d’échapper au temps traduit celui d’échapper à la mort, c’est-à-dire d’excéder les limites de l’existence. Pourtant,
la conscience humaine se caractérise par le tissu temporel qui la définit. Peut-on alors agir sur le temps ? Ou le temps
nous définit-il intimement ?
Réflexion 1
La conscience du temps nous rend-elle malheureux ?
► Pourquoi la conscience du temps nous apparaît-elle comme un fardeau ?
La conscience du temps qui passe est liée à l’idée d’irréversibilité de l’existence, bornée par le spectre de la
mort. L’appréhension de notre fin peut nous pousser à jalouser l’animal sans mémoire ou à reconnaître la vertu
nietzschéenne de l’oubli.
► Quels sont les fondements de la souffrance liée à l’idée du temps ?
Si la peur de la mort n’est qu’une erreur de raisonnement, comme le suggère Épicure, comment pourrions-nous
craindre ce dont l’expérience nous est impossible ?
Réflexion 2
Le temps n’existe-t-il que pour une conscience ?
► En quoi la durée est-elle l’étoffe de notre conscience ?
La durée constitue la texture même de notre conscience. Bergson montre qu’elle permet à notre esprit de se lier
à notre corps, au passé d’investir le présent, à l’imagination de prendre corps dans l’action, à la personne de
s’approprier le monde.
► Le temps est-il réel ?
Si la forme du temps est subjective, cela signifie que les phénomènes ne sont pas dans le temps, mais que le temps
est la forme par laquelle nos représentations sont forgées, ainsi que le pensait Kant. Mais s’il existe un temps réel,
il est inhérent aux réalités créées, et les phénomènes physiques permettent d’en établir une mesure.
Réflexion 3
Peut-on agir sur le temps ?
► Le temps est-il castrateur ?
Il est possible d’être submergé par la fuite du temps et de ne pas pouvoir inscrire son action dans la durabilité.
Pour Sénèque, il est vain de vouloir agir sur le futur, car cela nous empêche de profiter du présent et ruine nos
chances d’atteindre la sérénité.
► Résister ou quitter le temps ?
L’homme tente d’agir sur le temps. Il résiste d’abord, par ses œuvres artistiques qui sont une tentative d’immortalité
selon H. Arendt. Il le quitte également, pour rejoindre le temps sacré, forme d’éternité, ainsi que le définit
Mircea Eliade.
« Une minute affranchie de l’ordre du temps
a recréé en nous, pour la sentir, l’homme
affranchi de l’ordre du temps. »
Marcel Proust
« Si personne ne me demande ce qu’est le temps,
je sais ce qu’il est ; et si on me le demande
et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. »
Augustin
« Ce n’est pas l’homme qui arrête le temps,
c’est le temps qui arrête l’homme. »
François-René de Chateaubriand
Sujets de dissertation
Est-il vrai que seul le présent existe ?
Le temps est-il nécessairement destructeur ?
L’art peut-il nous affranchir de l’ordre du temps ?
Le temps est-il subjectif ?
Propositions pour une œuvre suivie
Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889 • Retrouvez la fiche ici.
Henri Bergson, Matière et mémoire, 1896
Edmund Husserl, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, 1928
Emmanuel Kant, La Critique de la raison pure, 1781
Pour aller plus loin
À voir
➤ Harold Ramis, Un Jour sans fin,
1993
Un présentateur d’émissions
télévisuelles vit une expérience
fantastique : tous les matins, il se
réveille à la même date calendaire.
Revivant sans cesse le même jour, il
en profite pour tester tous les choix
possibles afin de séduire la femme
qu’il convoite.
➤ Christopher Nolan, Memento, 2000
Le personnage principal ne se souvient
plus de ce qu’il vient de faire
juste après l’avoir fait. Il décide
alors de photographier et de noter,
ou de se faire tatouer, tout ce qu’il
vit, pour pouvoir ensuite revenir sur
les traces objectivées de sa vie.
À lire
➤ Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 1913-1927
Dans ce roman en sept tomes, l’écrivain explore ses souvenirs
et tente de saisir, par l’écriture, sa mémoire enfouie.
➤ Jorge Luis Borges, Funes ou la mémoire, 1942
Il s’agit d’une nouvelle dans laquelle le personnage
d’Ireneo Funes subit un accident et se trouve dans l’incapacité
d’oublier. Mais penser, c’est choisir un sujet. C’est donc
oublier tous les autres.
➤ Georges Perec, Je me souviens, 1978
Ce livre est composé de bribes de souvenirs collectionnés
et réunis entre 1973 et 1977. L’auteur dit avoir cherché à
assembler des « petits morceaux de quotidien ».
➤ Charles Baudelaire, L’Horloge, 1861
En six quatrains, Charles Baudelaire fait de l’horloge un
objet poétique. Bien plus qu’une simple pièce de mobilier,
elle incarne l’angoisse existentielle de la mort.