La Raison d’État : nécessité politique ou prétexte aux abus de pouvoir ?
La Raison d’État est un concept qui a été élaboré progressivement par Machiavel, François Guichardin et Giovanni Botero. Il s’agit d’un principe d’action politique qui vise la conservation de l’État, sans considération quant à la moralité ou à la légalité des moyens engagés pour y parvenir. La Raison d’État est donc une forme « d’exception sur le plan juridique », comme le déplorait Kant. Dans le film d’André Cayatte, les manœuvres secrètes de l’État français sont mises en scène pour poser les bases du questionnement moderne sur l’exercice du pouvoir : la fin justifie‑t‑elle les moyens ?
Bien des gens ont imaginé des républiques et des principautés
telles qu’on n’en a jamais vu ni connu. Mais à
quoi servent ces imaginations ? Il y a si loin de la manière
dont on vit à celle dont on devrait vivre, qu’en n’étudiant
que cette dernière on apprend plutôt à se ruiner qu’à se
conserver : et celui qui veut en tout et partout se montrer
homme de bien ne peut manquer de périr au milieu de
tant de méchants. Il faut donc qu’un prince qui veut se
maintenir apprenne à ne pas être toujours bon, et en user
bien ou mal, selon la nécessité. […] Quant aux autres
vices, je lui conseille de s’en préserver, s’il le peut ; mais
s’il ne le peut pas, il n’y aura pas un grand inconvénient
à ce qu’il s’y laisse aller avec moins de retenue ; il ne doit
pas même craindre d’encourir l’imputation de certains
défauts sans lesquels il lui serait difficile de se maintenir ;
car, à bien examiner les choses, on trouve que, comme il
y a certaines qualités qui semblent être des vertus et qui
feraient la ruine du prince, de même il en est d’autres
qui paraissent être des vices, et dont peuvent résulter
néanmoins sa conservation et son bien‑être.
Nicolas Machiavel, Le Prince, 1532, trad. J. Anglade, Librairie Générale Française, 2000.
La Raison d’État, André Cayatte, 1978
Cette fiction, d’André Cayatte, est dédiée à Jean Rostand, et débute par l’une de ses
déclarations dans laquelle il déplore que les États investissent beaucoup plus dans la
fabrication d’armes que dans la recherche biologique.
Le film met en scène un haut fonctionnaire nommé Leroi, impliqué dans la vente illicite
d’armes. Un biologiste, Maro, se procure un document établissant la culpabilité de Leroi
dans la mort de 140 enfants africains tués par des missiles français. La mort prétendument
accidentelle de Maro ne lui laisse pas le temps de révéler l’affaire. Cependant,
Angela Ravelli, amie et collaboratrice de ce dernier, veut que la vérité éclate. Elle se rend
à Paris et rencontre Leroi qui tente de la convaincre d’étouffer le scandale. Elle refuse,
et sa détermination lui vaut d’être, à son tour, assassinée. Si la description de l’État corrompu
manque parfois de finesse, le scénario a le mérite de poser une question : l’État
peut‑il transiger avec les valeurs qu’il défend afin de servir des intérêts commerciaux ?
Maro est un militant pacifiste qui veut dénoncer le commerce des armes
effectué par son pays : la France. Il passe par la presse pour alerter l’opinion
publique.
Un citoyen doit‑il rester loyal à son pays en toutes circonstances ?
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Leroi assume parfaitement le fait de vendre des armes à des pays en
guerre pour faire marcher les industries d’armement françaises, même s’il
entraîne ainsi indirectement la mort de combattants et surtout de civils.
En se référant au texte de Machiavel ci‑dessus, ne peut‑on pas
affirmer que, pour être un dirigeant efficace, il faut savoir ne pas tenir compte de la morale dans certaines circonstances ?
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Les activités commerciales de la France contournent et contreviennent aux
règles internationales sur le commerce des armes.
L’État peut‑il faire exception aux règles qu’il a participé à édifier ?
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Détenant des informations compromettantes pour l’État français qu’il s’apprête
à divulguer, Maro est assassiné sur commande.
La Raison d’État peut‑elle justifier la violence et le meurtre ?
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Angela Ravelli va révéler la responsabilité de la France au cours d’une
conférence de presse. Le gouvernement envisage toutes les options pour
la faire taire, justifiant de « l’argument suprême : la Raison d’État » (Leroi).
Comment faire la part entre l’exigence de transparence démocratique
et la nécessité stratégique du secret ?
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Leroi essaye de convaincre Angela de se taire en expliquant que « la vente
d’armes est un mal nécessaire », qu’elle est une idéaliste qui rêve quand
il faut d’abord considérer « les réalités concrètes ».
Faire de la politique, est‑ce nécessairement choisir entre un idéal
et une forme de pragmatisme ?
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Pour se débarrasser d’Angela, les services secrets montent contre elle un
faux dossier d’espionnage avec la complicité de la CIA. Cela aboutit à son
assassinat.
Un État peut‑il chercher à se conserver à tout prix ? Existe‑t‑il des limites morales à son action ?
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