Marivaux raconte dans la comédie L'Île des esclaves le naufrage d'Iphicrate et de son esclave Arlequin. Ils arrivent sur une île étrange, où les maîtres deviennent esclaves et les esclaves maîtres. Cette œuvre montre que le renversement des statuts sociaux a une valeur pédagogique, mais elle fait également émerger une question plus large qui traverse le récit des révoltés de la Bounty : la liberté n'est-elle pas d'abord une libération ?
Texte
Iphicrate : – Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave ?
Arlequin, se reculant d'un air sérieux : – Je l'ai été, je le confesse à ta honte, mais va, je te
pardonne ; les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes, j'étais ton esclave ; tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour, on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là ; tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent
recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami ; je vais trouver mes camarades et tes maîtres.
Marivaux
L'Île des esclaves, 1725.
Les Révoltés du Bounty, Lewis Milestone et Carol Reed, 1962
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Crédits : MARKA/Alamy
Jules Verne publie en 1879 une nouvelle intitulée Les Révoltés de la
Bounty. Il y raconte l'histoire tragique et réelle d'une frégate britannique
envoyée dans les mers du Sud, à la fin du XVIIIe siècle (1789).
Le bateau du tyrannique capitaine Bligh a pour mission d'aller chercher
à Tahiti des pieds d'arbre à pain, destinés à être plantés aux Indes
occidentales, afin de nourrir les esclaves à peu de frais.
Au terme de longs mois de voyage, le capitaine est tellement violent avec
son équipage que ce dernier finit par se mutiner et par le bannir de l'embarcation.
Les révoltés vont, avec des Tahitiens, entreprendre de survivre
et de rebâtir sur une île déserte, l'île de Pitcairn, une société plus juste.
L'épisode véridique de la mutinerie de la Bounty questionne tout
d'abord l'asservissement illégitime de peuples extra-occidentaux, jugés « inférieurs » aux occidentaux colonialistes,
puisque ceux‑ci se moquent que les fruits de l'arbre à pain n'aient pas de goût, tant que cela nourrit à bas coût les
esclaves de l'Empire britannique.
Cette histoire fait l'objet du film Les révoltés du Bounty, réalisé en 1962 par Lewis Milestone et Carol Reed.
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Crédits : Pictorial Press Ltd/Alamy
Le Capitaine Bligh légitime sa violence en arguant de la nécessité de respecter les règlements
de manière stricte. La sévérité abusive de Bligh, qui veut pour des raisons pragmatiques
que ses hommes obéissent au règlement de manière aveugle, se retourne contre
lui-même.
Un règlement doit-il être nécessairement appliqué à la lettre ?
Sur l'île de Tahiti, les marins ont été accueillis par les autochtones comme des invités
de marque, alors que ceux-ci se moquent d'eux en leur offrant des pacotilles. Les intentions
des Anglais sont clairement d'exploiter la crédulité des habitants pour le bien de
la Couronne.
Peut-on asservir autrui en profitant de sa naïveté et en le manipulant ?
Marlon Brando joue le lieutenant Fletcher Christian, devenu chef des mutins, parce qu'il
ne supporte plus les ordres arbitraires d'un capitaine capricieux. Fletcher est guidé par
l'honneur, ainsi que par le respect de la dignité et de la liberté de chaque être humain.
Peut-on parler d'un droit à la révolte pour défendre la liberté ?
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Crédits : PictureLux/The Hollywood Archive/Alamy
Au lieu de tuer Bligh, Fletcher le laisse partir sain et sauf dans un canot avec les marins
qui ne souhaitent pas se mutiner. Le plus remarquable est précisément le fait que les
hommes de Bligh n'aillent pas jusqu'à lui ôter sa liberté et sa vie, alors même qu'il les
asservissait en abusant de sa position sociale de commandant.
Faut-il accorder aussi la liberté à celui qui pourrait nous nuire ?
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Sur l'île de Pitcairn, les mutins rêvent d'une société sans violence, en harmonie avec les
Tahitiens. Mais il n'est pas si simple de construire une vie sociale sans limiter le libre
arbitre.
Comment garantir la liberté sans reconduire les hiérarchies que l'on croyait
avoir abolies ?
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Fletcher est séduit par la danse d'accueil des Tahitiennes, il tombe amoureux de l'une
d'entre elles et décide de vivre à ses côtés.
Choisissons-nous nos sentiments en toute liberté ou sommes-nous sous leur
emprise ?
En incendiant le Bounty, quelques marins se coupent de toute possibilité de retour et
marquent leur choix de rester dans les îles mais, dans le même temps, cet acte révèle
leur volonté de supprimer la possibilité matérielle de choisir une autre vie.
La liberté peut-elle faire peur ?
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