Texte fondateur
Marx décrit ici le mécanisme de l'exploitation capitaliste : une partie du temps de travail de l'ouvrier n'est pas payée. Il s'agit du surtravail. Les profits des capitalistes sont une accumulation des plus‑values issues du surtravail des ouvriers.
En achetant la force de travail de l'ouvrier et en la payant à sa valeur, le capitaliste, comme tout autre acheteur, a acquis le droit de consommer la marchandise qu'il a achetée ou d'en usera. On consomme la force de travail d'un homme ou on l'utilise en le faisant travailler, tout comme on consomme une machine ou on l'utilise en la faisant fonctionner. Par l'achat de la valeur journalière ou hebdomadaire de la force de travail de l'ouvrier, le capitaliste a donc acquis le droit de se servir de cette force, de la faire travailler pendant toute la journée ou toute la semaineb. La journée ou la semaine de travail a, naturellement, ses limites, mais nous examinerons cela de plus près par la suite.
Pour l'instant, je veux attirer votre attention sur un point décisif.
La valeur de la force de travail est déterminée par la quantité de travail nécessaire à son entretien ou à sa reproductionc, mais l'usage de cette force de travail n'est limité que par l'énergie agissante et la force physique de l'ouvrier. La valeur journalière ou hebdomadaire de la force de travail est tout à fait différente de l'exercice journalier ou hebdomadaire de cette forced, tout comme la nourriture dont un cheval a besoin et le temps qu'il peut porter son cavalier sont deux choses tout à fait distinctes. La quantité de travail qui limite la valeur de la force de travail de l'ouvrier ne constitue en aucun cas la limite de la quantité de travail que peut exécuter sa force de travail. Prenons l'exemple de notre ouvrier fileur. Nous avons vu que pour renouveler journellement sa force de travail, il lui faut créer une valeur journalière de 3 shillings, ce qu'il réalise par son travail journalier de 6 heures. Mais cela ne le rend pas incapable de travailler journellement 10 à 12 heures ou davantage. En payant la valeur journalière ou hebdomadaire de la force de travail de l'ouvrier fileur, le capitaliste s'est acquis le droit de se servir de celle‑ci pendant toute la journée ou toute la semainee. Il le fera donc travailler, mettons, 12 heures par jour. En sus et au surplus des 6 heures qui lui sont nécessaires pour produire l'équivalent de son salaire, c'est‑à‑dire de la valeur de sa force de travail, le fileur devra donc travailler 6 autres heures que j'appellerai les heures de surtravail, lequel surtravail se réalisera en une plus‑value et un surproduitf. Si notre ouvrier fileur, par exemple, au moyen de son travail journalier de 6 heures, ajoute au coton une valeur de 3 shillings qui forme l'équivalent exact de son salaire, il ajoutera au coton en 12 heures une valeur de 6 shillings et produira un surplus correspondant de filé.
Aide à la lecture
a. Dans le système capitaliste, la capacité de travail de l'ouvrier est considérée comme une marchandise.
b. Une fois cette marchandise acquise contre un salaire, le capitaliste fait travailler l'ouvrier toute la journée.
c. Le prix payé pour la force de travail (sa valeur) équivaut à ce dont a besoin l'ouvrier pour reproduire sa force de travail.
d. Cependant, la valeur de la force de travail est distincte de celle produite par l'ouvrier.
e. Exploiter l'ouvrier, c'est le faire travailler plus que nécessaire : en un sens, c'est donc le faire travailler gratuitement pour une part de son temps.
f. Le surtravail est le temps supplémentaire qui permet au capitaliste de générer une plus‑value grâce aux richesses produites.