Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
Ch. 1
La conscience
Ch. 3
Le temps
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 8
L’art
Ch. 9
Le travail
SECTION 3 • L’animal politique
Ch. 10
La nature
Ch. 11
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Ch. 12
L’État
Ch. 13
Le devoir
SECTION 4 • L’ami de la sagesse
Ch. 14
La justice
Ch. 15
La religion
Ch. 16
La liberté
Ch. 17
Le bonheur
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Chapitre 2
Réflexion 1

Ma pensée est-elle toujours consciente ?

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Texte 1
Des pensées dont nous ne sommes pas conscients

Alors que Descartes affirmait que la conscience peut se connaître clairement et distinctement elle-même dès qu'elle s'y efforce, Leibniz affirme qu'il existe des petites perceptions dont nous n'avons pas conscience, des pensées « sans aperception ni réflexion ».

D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexiona, c'est‑à‑dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont trop petites et en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage. C'est ainsi que la coutume fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corpsb ; mais les impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, qui ne s'attachent qu'à des objets plus occupantsc. Toute attention demande de la mémoire, et quand nous ne sommes point avertis pour ainsi dire de prendre garde à quelques-unes de nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans les remarquer. Mais si quelqu'un nous en avertit incontinent et nous fait remarquer par exemple quelque bruit qu'on vient d'entendred, nous nous en souvenons et nous nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque sentiment. Ainsi c'étaient des perceptions dont nous ne nous étions pas aperçus incontinent, l'aperception ne venant dans ce cas d'avertissement qu'après quelque intervalle, pour petit qu'il soit. Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est sur le rivage. Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties qui composent ce tout, c'est-à-dire le bruit de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, et qu'il ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seulee. Car il faut qu'on en soit affecté un peu par le mouvement de cette vague et qu'on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelque petits qu'ils soient ; autrement on n'aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque chose.
Gottfried Wilhelm Leibniz
Nouveaux essais sur l'entendement humain, 1704, préface.

Aide à la lecture

a. Si une perception est sans aperception, c'est que nous n'en avons pas conscience.
b. L'harmonie de l'âme et du corps signifie que les affects de l'âme correspondent aux affects du corps.
c. « Des objets occupants » sont des choses qui concentrent l'intérêt et l'attention.
d. Il faut qu'un tiers intervienne sans attendre (incontinent) pour que le sujet prenne conscience d'une perception que l'oubli pourrait effacer.
e. De la même manière, lorsque l'on écoute un morceau de musique, on n'entend pas toutes les notes. Pourtant, elles existent pour former le morceau que l'on entend.
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Leibniz - XVIIe siècle

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Question

Quels exemples de la vie courante illustrent nos « petites perceptions » ?
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Débat

Le poids des pensées non conscientes


Leibniz affirme que nous avons des pensées non conscientes. Cette idée peut paraître paradoxale : penser, n'est‑ce pas justement avoir à l'esprit ce que l'on pense ? Pourtant nous avons tous fait une expérience qui illustre sa thèse : quand nous vivons près d'un lieu bruyant, nous « oublions » progressivement ce bruit. Nous avons toujours des petites perceptions des sons, mais plus d'aperception de ceux‑ci.
  • Question : Devant l'impossibilité pour la conscience de saisir toute l'activité psychique, peut-on encore affirmer sa maîtrise ?
  • Objectif : Envisager la portée des pensées non conscientes sur les choix que nous croyons faire librement. Si nos choix ne sont pas absolument déterminés, ne sont‑ils pas conditionnés à ces perceptions qui nous définissent aussi ? Si nous pensons sans savoir que nous pensons, quelle influence peuvent alors avoir ces pensées inconscientes sur ce que nous sommes et sur ce que nous faisons ?
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Commentaire

Leibniz a lu Descartes, qui affirme que la conscience se donne dans une intuition immédiate et que l'esprit est ainsi plus facile à connaître que le corps. Il a également lu Spinoza, selon lequel nous sommes conscients de nos actes et de nos pensées, mais inconscients de leurs causes. Avec cette idée que l'esprit est affecté de petites perceptions non conscientes, Leibniz s'oppose à Descartes et s'inscrit dans la même réflexion que celle de Spinoza. Cette idée est reprise par les philosophes du soupçon tels que Schopenhauer, Nietzsche ou encore le psychanalyste Freud.

Ce texte de Leibniz repose sur une affirmation paradoxale : nous avons des perceptions que nous n'apercevons pas et des états mentaux que nous ne percevons pas. Comment cela est‑il possible ? Leibniz part de la constatation des faits : nous entendons le bruit d'une chute d'eau ou le ressac mais nous n'apercevons pas le bruit de chaque goutte, pourtant nécessaire au bruit final de l'eau qui tombe. Comment expliquer cela ? Le philosophe émet l'hypothèse que certaines perceptions, que nous devons forcément percevoir, sont tellement infimes, nombreuses, confuses ou coutumières que nous n'en avons pas conscience. Toutefois, comment peut-on ne pas avoir conscience de petites perceptions que nous percevons pourtant ? L'explication de Leibniz repose sur l'idée qu'il y a une harmonie entre l'âme et le corps, c'est‑à‑dire une unité qui fait que rien ne peut se passer dans le corps qui n'ait sa pensée correspondante dans l'âme, même si nous n'en prenons pas conscience.

Ainsi, par exemple, si une partie de notre corps est affectée par un mal, il y a nécessairement une pensée de ce mal dans notre âme, même si nous n'en avons pas une conscience claire. Il y a donc bien une unité psychosomatique (sôma signifie le corps en grec).

De ce fait, ce n'est pas parce que nous n'apercevons pas les petites perceptions qu'elles ne sont pas réelles. Elles doivent impérativement exister pour pouvoir produire ce bruit final que l'on perçoit. Pour qu'il y ait une conscience claire de ce bruit, il faut donc qu'il y ait des petites perceptions non conscientes, qu'il y ait d'abord de la perception sans que nous en ayons conscience. Ce sont des « perceptions insensibles », qu'on pourrait qualifier d'inconscientes.

Le mérite de Leibniz est de ne pas identifier la vie psychique à l'unique conscience, comme Descartes le pensait. Cependant, Leibniz définit les perceptions inconscientes comme une faille de la conscience, une limite dans ses capacités à se saisir des perceptions. Il ne s'agit donc pas encore de l'idée de l'inconscient freudien, doté d'une énergie et d'un dynamisme susceptibles d'affecter la vie psychique consciente.
Schéma de pensée de Leibniz sur les pensées non conscientes
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Texte 2
« Quelque chose » pense en moi

Texte fondateur

Pour Nietzsche, il existe des pensées qui viennent à l'esprit sans que nous l'ayons voulu. Il vaut donc mieux dire « quelque chose pense » plutôt que « je pense ».

En ce qui concerne la superstition du logicien, je ne me lasserai pas de souligner un petit fait bref que ces superstitieux répugnent à avouer, à savoir qu'une pensée vient quand elle veuta, et non quand « je » veux ; c'est donc falsifier les faits que de dire : le sujet « je » est la condition du prédicat « pense ». Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit précisément l'antique et fameux « je »b, ce n'est à tout le moins qu'une supposition, une allégation, ce n'est surtout pas une « certitude immédiate »c. Enfin, c'est déjà trop dire que d'avancer qu'il y a quelque chose qui pense : déjà ce « quelque chose » comporte une interprétation du processus et ne fait pas partie du processus lui‑même. On déduit ici, selon la routine grammaticale : « penser est une action, or toute action suppose un sujet agissant, donc… » C'est par un syllogisme analogue que l'ancien atomisme ajoutait à la force agissante ce petit grumeau de matière qui en serait le siège et à partir duquel elle agirait : l'atomed ; des esprits plus rigoureux ont enfin appris à se passer de ce « résidu de la terre », et peut‑être les logiciens eux aussi s'habitueront‑ils un jour à se passer de ce petit « quelque chose », qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux « moi ».
Friedrich Nietzsche
Par‑delà le bien et le mal, 1886, aphorisme 17, Robert Laffont, 1993.

Aide à la lecture

a. Nietzsche critique l'idée selon laquelle tout ce qui se passe dans le psychisme suivrait des règles grammaticales ou logiques.
b. Expression qui désigne le « je » pensant, donc la conscience réflexive de Platon à Descartes.
c. La pensée est un processus que l'on peut concevoir sans sujet.
d. Démocrite considérait que tout phénomène psychique ou matériel actif avait pour source une parcelle de matière : l'atome. Or, pour Nietzsche, l'atome n'est qu'une supposition.
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Placeholder pour Friedrich NietzscheFriedrich Nietzsche
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Nietzsche - XIXe siècle

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Question

Une forme de pensée peut‑elle exister sans référence au « je » pensant ?
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Texte 3
L'inconscient est une méprise sur le Moi

Alain veut bien reconnaître un inconscient du corps mais refuse, au nom de notre responsabilité morale, l'idée que notre pensée puisse être déterminée indépendamment de la conscience.

L'homme est obscur à lui-même, cela est à savoir. Seulement il faut ici éviter plusieurs erreurs que fonde ce terme d'inconscient. La plus grave de ces erreurs est de croire que l'inconscient est un autre Moi, un Moi qui a ses préjugés, ses passions et ses ruses, une sorte de mauvais ange, diabolique conseiller. Contre quoi il faut comprendre qu'il n'y a point de pensées en nous sinon par l'unique sujet, Je ; cette remarque est d'ordre moral. Il ne faut pas se dire qu'en rêvant on se met à penser. Il faut savoir que la pensée est volontaire, tel est le principe des remords : « Tu l'as bien voulu ! » On dissoudrait ces fantômes en se disant simplement que tout ce qui n'est point pensée est corps, c'est‑à‑dire chose soumise à ma volonté, chose dont je réponds.a […] L'inconscient est donc une manière de donner dignité à son corps. C'est une méprise sur le Moi, une idolâtrie1

 On a peur de son inconscient, là se trouve logée la faute capitale. On croit qu'un autre Moi me conduit qui me connaît et que je connais mal. […] En somme, il n'y a pas d'inconvénient à employer couramment le terme d'inconscient, c'est un abrégé du mécanisme. Mais, si on le grossit, alors commence l'erreur, et, bien pis, c'est une faute.
Alain
Éléments de philosophie, 1941, © Éditions Gallimard, 1991.

Aide à la lecture

a. Il n'y a qu'une altérité à la conscience, c'est le corps. Tout ce qui n'est pas strictement corporel est sous le contrôle de la volonté. Ainsi, nous devons répondre de toutes nos émotions et de tous nos gestes.

Note de bas de page

1. L'idolâtrie signifie ici : doter une chose matérielle d'une dignité psychique. C'est plus habituellement un culte infondé.
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Alain - XXe siècle

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Question

En quoi l'inconscient est-il un « abrégé du mécanisme », selon Alain ?
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Focus

La naissance de la psychanalyse


Si la psychanalyse n'est pas une science de la nature, elle autorise néanmoins des interprétations tout à fait rationnelles qui visent à une meilleure compréhension de nous-mêmes.

Les Études sur l'hystérie, publiées en 1895 par Freud et son ami médecin Breuer, marquent la naissance de la psychanalyse. Dans cet ouvrage, les auteurs présentent une nouvelle méthode pour étudier et traiter les symptômes hystériques.

C'est dans ces Études qu'est évoqué pour la première fois le cas Anna O., pseudonyme de Bertha Pappenheim. Ce cas peut être considéré comme à l'origine du fondement de la psychanalyse, puisque Breuer et Freud comprendront que l'acte de parler peut guérir (talking cure) et constituer une sorte de catharsis, c'est-à-dire de purification.
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Texte 4
Le cas Anna O.

Malgré nos demandes, les ayants droit de ce texte refusent que nous affichions celui-ci sur notre site en libre accès. Nous le regrettons profondément et nous excusons pour la gêne occasionnée.
Sigmund Freud, Joseph Breuer
Études sur l'hystérie, 1895, © PUF, 1985.
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Placeholder pour Sigmund_FreudSigmund_Freud
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Freud - XXe siècle

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Repères

  • Concept / Image / Métaphore
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Question

Parler peut‑il guérir ?
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Activité

Trouvez des exemples de situations qui montrent que quelque chose de nous-mêmes nous échappe.
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