Philosophie Terminale

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Réflexion 3

La raison est-t-elle fondatrice de la politique ?

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Texte 7
La raison doit-elle choisir entre deux conceptions du devoir ?

Où est le devoir de la raison quand elle devient res publica, c'est-à-dire chose commune ? Doit-on un respect inconditionnel à un principe absolu ou la raison doit-elle plutôt invoquer le sens des responsabilités, qui engage à considérer les conséquences de nos choix ?

Toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité [verantwortungsethisch] ou selon l'éthique de la conviction [gesinnungsethisch].a Cela ne veut pas dire que l'éthique de conviction est identique à l'absence de responsabilité et l'éthique de responsabilité à l'absence de conviction. Il n'en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l'attitude de celui qui agit selon les maximes de l'éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l'action il s'en remet à Dieu » –, et l'attitude de celui qui agit selon l'éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » Vous perdrez votre temps à exposer, de la façon la plus persuasive possible, à un syndicaliste convaincu de la vérité de l'éthique de conviction, que son action n'aura d'autre effet que celui d'accroître les chances de la réaction, de retarder l'ascension de sa classe et de l'asservir davantage, il ne vous croira pas. Lorsque les conséquences d'un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthiqueb n'attribuera pas la responsabilité à l'agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi. Au contraire le partisan de l'éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l'homme (car, comme le disait fort justement Fichte, on n'a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l'homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu'il aura pu les prévoir. Il dira donc : « Ces conséquences sont imputables à ma propre action. » Le partisan de l'éthique de conviction ne se sentira « responsable » que de la nécessité de veiller sur la flamme de la pure doctrine afin qu'elle ne s'éteigne pas, par exemple sur la flamme qui anime la protestation contre l'injustice sociale. Ses actes qui ne peuvent et ne doivent avoir qu'une valeur exemplaire mais qui, considérés du point de vue du but éventuel, sont totalement irrationnels, ne peuvent avoir que cette seule fin : ranimer perpétuellement la flamme de sa conviction.

 Mais cette analyse n'épuise pas encore le sujet. Il n'existe aucune éthique au monde qui puisse négliger ceci : pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d'une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d'autre part la possibilité ou encore l'éventualité de conséquences fâcheuses. Aucune éthique au monde ne peut nous dire non plus à quel moment et dans quelle mesure une fin moralement bonne justifie les moyens et les conséquences moralement dangereuses.c

 Je me sens bouleversé, très profondément par l'attitude d'un homme mûr – qu'il soit jeune ou vieux – qui se sent réellement et de toute son âme responsable des conséquences de ses actes et qui, pratiquant l'éthique de responsabilité, en vient à un certain moment à déclarer : « Je ne puis faire autrement. Je m'arrête là ! » […] On le voit maintenant : l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l'une l'autre et constituent ensemble l'homme authentiqued, c'est-à-dire un homme qui peut prétendre à la « vocation politique ».
Max Weber
Le savant et le politique, 1919, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1959.

Aide à la lecture

a. L'éthique de conviction suit la conception du devoir selon Kant, pour qui nous agissons moralement si la volonté se détermine par respect de principes universels établis par la raison en elle-même.
L'éthique de responsabilité, conséquentialiste, soutient qu'il faut agir en fonction des effets prévisibles que la pensée peut raisonnablement accepter.
b. Face à une décision politique engageant des choix éthiques, un homme devra choisir entre l'une ou l'autre de ces positions.
c. À l'échelle d'une décision particulière, la raison ne peut articuler précisément et sûrement entre eux buts et moyens, actions et conséquences, ni dire si l'articulation suffit à légitimer tel ou tel choix.
d. Une éthique peut être revendiquée et trouver néanmoins sa limite, en prenant en compte l'autre éthique. Cette complémentarité des éthiques est la force authentique de l'homme qui entend agir pour le bien de tous.
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Weber - XIXe siècle

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Repères

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Question

La raison peut-elle décider sans prendre le réel en considération ?
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Texte Complémentaire

À quelles conditions peut-on appliquer la distinction de Weber à Charlie Hebdo ?

 Dans le cas de la publication des caricatures, on voit clairement se dessiner les deux positions. L'éthique de conviction se réfère au principe supérieur de la liberté de la presse et, au-delà, de la liberté d'expression : la démocratie suppose que chacun puisse dire ce qu'il veut, même si cela peut offenser une partie des citoyens. Représenter le Prophète nu dans une position grotesque demandant « tu les aimes mes fesses » ou lui faire dire qu'il est « dur d'être aimé par des cons » peut être vécu comme outrageant par des musulmans mais fait partie du droit de rire de tout et, notamment, au nom du principe de laïcité, des religions. […]

 L'éthique de responsabilité invoque, de son côté, les conséquences prévisibles, en sachant que toutes ne le sont évidemment pas. Elles se situent à plusieurs niveaux. D'abord, de nombreuses personnes peuvent se sentir blessées par l'atteinte à ce qu'elles ont de plus sacré et parce qu'elles perçoivent comme des insultes explicitement dirigées contre elles. Ensuite, les réactions hostiles peuvent prendre des formes violentes à la fois dans le pays de publication, mais aussi, compte tenu de la circulation de l'information, partout dans le monde, mettant en péril non seulement des journalistes mais aussi bien d'autres. Enfin, l'indignation suscitée peut favoriser la radicalisation de certains segments de la population musulmane ou fournir des armes idéologiques aux fondamentalistes dans leur guerre contre le monde occidental, aggravant ainsi les tensions internationales.

 Les partisans de l'éthique de conviction n'éludent toutefois pas une responsabilité plus diffuse, en particulier au regard de conséquences lointaines (comme la construction d'un espace démocratique), de même que les partisans de l'éthique de responsabilité ne manquent pas de conviction, notamment en termes de tolérance à l'égard des croyances des autres (on peut être athée et se défendre d'attaquer la religion) et de respect de la dignité (on peut critiquer une religion sans en avilir les symboles). Il ne s'agit donc pas de simplifier les positions […], mais de rendre compte du type d'argument qui prévaut in fine pour ceux qui décident de publier et pour ceux qui décident de ne pas publier. […]

 On ne peut considérer qu'une position est éthique et que l'autre ne l'est pas. L'ironique paradoxe serait en effet que ceux qui défendent la liberté d'expression radicalisent leur position au point de n'être plus en mesure d'accepter que s'expriment d'autres opinions que la leur.
Didier Fassin
« “Charlie” : éthique de conviction contre éthique de responsabilité », Libération, Janvier 2015.
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Placeholder pour Couverture du journal satirique, Charlie HebdoCouverture du journal satirique, Charlie Hebdo
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Couverture du journal satirique, Charlie Hebdo, 7 février 2007.
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Texte 8
La république : un corps moral et collectif

Texte fondateur

Pour Rousseau, l'État est fondé sur un contrat social et non pas sur le droit divin ni sur la force. Ce contrat de tous avec tous fonde le corps politique, qui se gouverne suivant un principe de raison commune : le principe de la volonté générale.

 Ces clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, à savoir l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres.

 De plus, l'aliénationa se faisant sans réserve, l'union est aussi parfaite qu'elle ne peut l'être et nul associé n'a rien à réclamer […].

 Enfin chacun se donnant à tous ne se donne à personne ; et comme il n'y a pas un associé sur lequel on n'acquière le même droit qu'on lui cède sur soi, on gagne l'équivalent de tout ce qu'on perd, et plus de force pour conserver ce qu'on a […].

 À l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif, composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix ; lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique, qui se forme ainsi par l'union de toutes les autres, prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de « corps politique », lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. À l'égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s'appellent en particulier Citoyens, comme participants à l'autorité souveraine, et Sujets, comme soumis aux lois de l'État.
Jean-Jacques Rousseau
Du Contrat social, 1762.

Aide à la lecture

a. L'aliénation dont parle Rousseau ne se confond pas avec un esclavage ni avec une soumission, car le don de soi est effectué par tous les contractants, donc aucun n'est maître d'un autre. Tous se donnent au peuple qui est consubstantiel au contrat.
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Rousseau - XVIIIe siècle

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Repères

  • Universel / Général / Particulier / Singulier
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Question

Le citoyen doit-il élever sa raison à l'universel ?
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Texte 9
Notre devoir politique est de penser

Renoncer à user de sa raison est un danger politique majeur. La pensée n'a pas pour rôle d'accepter les normes de conduite, au contraire, elle se doit de les critiquer. C'est à partir de cet exercice constant de la raison critique que l'homme gagne une autonomie, une capacité de décision, qui est fondatrice du politique.

 Penser est indifféremment dangereux pour toutes les croyances et, par soi, n'en crée aucune nouvelle. Toutefois, la non-pensée, qui semble une attitude tellement recommandable en politique et en morale, recèle aussi quelques dangers. En prévenant de l'examen et de ses dangers, elle enseigne aux gens à s'attacher fermement à tout ce que peuvent êtres les règles de conduite prescrites par telle époque, dans telle société. Ce à quoi ils s'habituent est moins le contenu des règles, dont un examen serré les plongerait dans l'embarras, que la possession des règles sous lesquelles puissent être subsumés des cas particuliers. En d'autres termes, ils sont habitués à ne jamais se décider. Qu'apparaisse alors un individu qui, pour une raison ou une autre, dans n'importe quel but, prétende abolir les anciennes « valeurs » ou vertus – cela lui sera facile s'il produit un nouveau code, il n'aura besoin ni de force ni de persuasion, d'aucune preuve montrant que les nouvelles valeurs sont meilleures que les vieilles pour les imposer. Plus les hommes s'accrochent au code ancien, plus ils s'empresseront de s'assimiler au nouveau ; la facilité avec laquelle de tels renversements sont possibles suggère bien que tout le monde dormait lorsqu'ils survenaient. Ce siècle nous a offert dans ce domaine quelques expériences : il a été si facile pour les régimes totalitaires de renverser le commandement fondamental de la morale occidentale – « Tu ne tueras point » dans le cas de l'Allemagne de Hitler, « Tu ne porteras pas de faux témoignages envers ton prochain » pour la Russie de Staline.
Hannah Arendt
Considérations morales, 1971, trad. M. Ducassou, © Éditions Payot & Rivages, 1996.
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Arendt - XXe siècle

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Repères

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Question

En quoi l'inconscient est-il un « abrégé du mécanisme », selon Alain ?
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Texte 10
L'histoire est l'œuvre de la Raison

L'histoire est l'œuvre de la raison et les peuples, ainsi que les mouvements politiques, ne sont que les formes que prend la raison pour diriger l'histoire.

 Le rationnel1 est ce qui existe de soi et pour soi – ce dont provient tout ce qui a une valeur. Il se donne des formes différentes ; mais sa nature, qui est d'être but, se manifeste et s'explicite avec le plus de clarté dans ces figures multiformes que nous nommons les Peuples. Il faut apporter à l'histoire la foi et l'idée que le monde du vouloir n'est pas livré au hasard. Une fin ultime domine la vie des peuples ; la Raison est présente dans l'histoire universelle – non la raison subjective, particulière, mais la Raison divine, absolue : voilà les vérités que nous présupposons ici.

Ce qui les démontrera, c'est la théorie de l'histoire universelle elle-même car elle est l'image et l'œuvre de la Raison.a En vérité, la démonstration proprement dite ne se trouve que dans la connaissance de la Raison elle-même. Dans l'histoire, elle ne fait que se montrer. L'histoire universelle n'est que la manifestation de cette Raison unique, une des formes dans lesquelles elle se révèle ; une copie du modèle originel qui s'exprime dans un élément particulier, les Peuples.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
La Raison dans l'histoire, 1837, trad. K. Papaïoannou, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1965.

Aide à la lecture

a. Les événements de l'histoire suivent un principe rationnel. Les peuples et les événements ne sont que les instruments d'un plan supérieur de la Raison dans l'histoire.

Notes de bas de page

1. Tout ce qui est rationnel est réel et inversement, selon Hegel.
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Placeholder pour Georg Friedrich Wilhelm HegelGeorg Friedrich Wilhelm Hegel
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Hegel - XIXe siècle

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Repères

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Question

Les peuples ne font-ils que réaliser un plan de la Raison dans l'histoire ?
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Activité

1. Que veut dire « perdre la raison » pour les trois auteurs des texte 8, texte 9 et texte 10  ?

2. D'après Arendt (texte 8), est-il raisonnable de s'aliéner toute la communauté ? 
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