La vengeance, n’étant pas reconnue comme une réparation juste, empêche la réconciliation et
ouvre un cycle de violence sans fin.
La vengeance se distingue de la punition en ce que l’une est une réparation obtenue
par un acte de la partie lésée, tandis que l’autre est l’œuvre d’un juge. Il faut donc
que la réparation soit effectuée à titre de punition, car, dans la vengeance, la passion
joue un rôle, et le droit se trouve troublé. De plus, la vengeance n’a pas la forme du
droit, mais celle de l’arbitraire, car la partie lésée agit toujours par sentiment ou selon
un mode subjectif. Aussi bien, quand le droit se présente sous la forme de la vengeance,
il constitue à son tour une nouvelle offense, n’est senti que comme conduite
individuelle, et provoque inexpiablement, à l’infini, de nouvelles vengeances.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Propédeutique philosophique, 1810, trad. M. de Gandillac, Éditions de Minuit, 1963.
Question
Pourquoi seule la punition met‑elle fin au cycle de la violence ?
Dénoncer est‑il suffisant ? Marx considère que la critique de la société allemande n’est pas une force suffisante pour engager un réel changement. Il appelle à mobiliser les forces et à faire
naître une conscience de l’oppression qui trouveront leur aboutissement dans une révolution
sociale et économique.
[La critique] ne se donne plus comme une fin en soi, mais seulement comme
un moyen. Son pathétique, c’est essentiellement l’indignation ; sa tâche, c’est
essentiellement la dénonciation. […] Quel spectacle ! Voici une société infiniment
divisée en races les plus diverses qui s’affrontent avec leurs petites antipathies, leur
mauvaise conscience et leur médiocrité brutale, et qui, en raison même de leur voisinage
équivoque et méfiant, sont toutes, sans exception, traitées par leur seigneurs
comme des existences concédées. Et ce fait même d’être dominées, gouvernées,
possédées, elles doivent le reconnaître et le confesser comme une concession du
ciela. Et voici, en face d’elles, ces maîtres eux‑mêmes chez qui la grandeur est en
rapport inverse du nombre ! La critique qui s’attaque à cette matière est un corps
à corps, qu’importe que l’adversaire soit du même rang, noble ou intéressant ;
l’important, c’est de le toucher. Il s’agit de n’accorder aux Allemands aucun instant
d’illusion ni de résignation. Il faut rendre l’oppression réelle encore plus oppressive
en lui ajoutant la conscience réelle de l’oppression, rendre la honte plus honteuse
encore, en la divulgant. Il faut dépeindre chaque sphère de la société allemande
comme la partie honteuse de cette société, il faut forcer ses conditions fossilisées
à entrer en danse, en leur chantant leurs propres airs ! Il faut apprendre au peuple à avoir peur de lui‑même, afin de lui donner courage. […] Voici la question :
l’Allemagne peut‑elle atteindre à une praxis à la hauteur des principes, c’est‑à‑dire
à une révolution qui l’élève non seulement au niveau officiel des peuples modernes,
mais à cette hauteur d’homme qui sera le proche avenir de ces peuples ?
De toute évidence, l’arme de la critique ne peut pas remplacer la critique des
armes : la force matérielle doit être renversée par une force matérielle, mais la
théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle saisit les masses.
Karl Marx, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1843.
Aide à la lecture
a. La religion est une consolation illusoire des classes prolétaires. Elle présente leurs existences terrestres comme concédées par la grâce de Dieu qui en dispose. Marx considère donc que le prolétariat doit se libérer des maîtres terrestres et célestes.
Parfois, la violence et la fureur sont le signe d’une réaction salutaire face aux injustices.
On peut certainement créer des conditions susceptibles d’aboutir à une déshumanisation
de l’homme – comme les camps de concentration, la torture, la famine
– mais cela ne signifie pas qu’il puisse par là devenir semblable à un animal ; dans
des conditions de ce genre, ce ne sont pas la fureur et la violence, mais leur absence
évidente, qui devient le plus clair de la déshumanisation.
La fureur n’est en aucune façon une réaction automatique en face de la misère et
de la souffrance en tant que telles ; personne ne se met en fureur devant une maladie
incurable ou un tremblement de terre, ou en face de conditions sociales qu’il paraît
impossible de modifier. C’est seulement au cas où l’on a de bonnes raisons de croire
que ces conditions pourraient être changées, et qu’elles ne le sont pas, que la fureur
éclatea. Nous ne manifestons une réaction de fureur que lorsque notre sens de la justice est bafoué ; cette réaction ne se produit nullement parce que nous avons le sentiment
d’être personnellement victimes de l’injustice, comme peut le prouver toute
l’histoire des révolutions, où le mouvement commença à l’initiative de membres des
classes supérieures qui conduisirent la révolte des opprimés et des misérables. En
face d’événements ou de conditions sociales révoltantes, il est terriblement tentant
d’avoir recours à la violence, du fait de sa promptitude et de son immédiateté propre.
Agir avec une rapidité délibérée, c’est aller en fait contre les caractéristiques naturelles
de la fureur et de la violence, mais cela ne les rend pas irrationnelles. Au contraire, on
peut se trouver, dans la vie publique comme dans la vie privée, en face de situations
où la rapidité même d’un acte violent peut constituer la seule réponse appropriée.
Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, 1969, trad. G. Durand, Calmann‑Lévy, 1972.
Aide à la lecture
a. La fureur n’est pas une réaction à la souffrance constatée, mais elle est une réaction contre les conditions de cette souffrance qui ne devraient pas, en droit, avoir lieu.
Quelle est la raison principale qui explique une pratique de la violence ?
Activité
À partir du texte 4 (⇧), du texte 5 (⇧) et du texte 6 (⇧), synthétisez les définitions de la violence et cherchez un exemple personnel pour chacune des définitions.
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