Après les 24 portraits dans lesquels Alain Cavalier filmait des métiers de femme en voie de disparition, les Six portraits XL proposent un patchwork de professions, dont la complémentarité est pour Durkheim synonyme de solidarité sociale.
Nous sommes ainsi conduits à nous demander si la division du travail ne jouerait pas le
même rôle dans des groupes plus étendus ; si, dans les sociétés contemporaines où elle a
pris le développement que nous savons, elle n’aurait pas pour fonction d’intégrer le corps
social, d’en assurer l’unité. Il est très légitime de supposer que les faits que nous venons
d’observer se reproduisent ici, mais avec plus d’ampleur ; que ces grandes sociétés politiques
ne peuvent, elles aussi, se maintenir en équilibre que grâce à la spécialisation des tâches ;
que la division du travail y est la source, sinon unique, du moins principale de la solidarité
sociale. C’est déjà à ce point de vue que s’était placé Comte. De tous les sociologues,
à notre connaissance, il est le premier qui ait signalé dans la division du travail autre chose
qu’un phénomène purement économique. Il y a vu « la condition la plus essentielle de la
vie sociale » pourvu qu’on la conçoive « dans toute son étendue rationnelle, c’est‑à‑dire
qu’on l’applique à l’ensemble de toutes nos diverses opérations quelconques au lieu de
la borner, comme il est trop ordinaire, à de simples usages matériels.
Alain Cavalier est un cinéaste français contemporain. Ce documentaire dresse les
portraits de six personnes aux vies, métiers et occupations différents. Ainsi se
côtoient un cordonnier, un boulanger, une retraitée, un ancien cinéaste maniaque
de la propreté, un journaliste et un comédien : Léon, Guillaume, Jacquotte, Daniel,
Philippe et Bernard. Chacun est dépeint à un certain moment de sa vie, la plupart
du temps en lien avec son activité professionnelle. Alors que Léon le cordonnier
ferme définitivement sa boutique et prépare sa retraite, Guillaume le boulanger est
plongé dans des préparatifs méticuleux avant l’ouverture de son nouveau commerce.
Les portraits de Bernard et Philippe, quant à eux, retracent deux vies dédiées aux
arts de la scène : l’un est comédien, l’autre journaliste à la télévision. Chacun, à sa
manière, nous donne à voir une certaine conception du travail et de la vie.
À 74 ans, Léon va fermer définitivement la cordonnerie dans laquelle il
travaille depuis plus de 40 ans. Toutes ces heures passées à travailler ont
laissé des traces : ses mains sont usées, au point qu’il doit finir par les
faire opérer. Croulant sous les dernières commandes, il n’a pas le temps
de soigner ses problèmes cardiaques, qui ne sont pas liés à l’exercice de
son métier, mais dont les soins empiètent sur son temps de travail. « Il est
temps que ça finisse », déclare‑t‑il.
Tout travail est‑il souffrance et usure du corps ?
Ce travail difficile est aussi récompensé par les liens sociaux dont bénéficie
Léon. À son départ, les habitants, attachés à lui, lui offrent une pièce
montée en forme de chaussure ; d’autres lui écrivent des poèmes. Il est un
élément à part entière de la vie du quartier.
Le travail permet‑il une reconnaissance sociale ?
Avec sa femme et ses amis, Guillaume célèbre l’ouverture de sa nouvelle
boulangerie. Il travaille de l’aube au coucher du soleil, mêlant son travail
et sa vie familiale ; la réussite sociale et professionnelle est pour lui le
gage d’une vie réussie.
Une vie heureuse est‑elle une vie laborieuse ?
« Ici, on fait tout nous‑mêmes. » Être artisan boulanger, c’est d’abord maîtriser
un savoir‑faire, répéter avec précision les mêmes gestes. Toutefois, le
travail de la matière implique aussi une part de créativité et d’esthétique.
Travailler, est‑ce seulement appliquer un savoir‑faire ?
Bernard, comédien de profession, est un homme pressé, que ce soit par les
nécessités économiques (sa maison est hypothéquée) ou par le temps : il
est toujours en retard avant une représentation. Bernard semble ne plus
parvenir à distinguer la sphère privée de la sphère professionnelle.
En quoi l’artiste est‑il, et n’est‑il pas, un travailleur comme les
autres ?
Pour Philippe, journaliste de télévision qui connaît bien son métier, toute
la difficulté est de donner une impression d’originalité et de spontanéité
à des interviews préparées très à l’avance. Comment retrouver le naturel
derrière le cadre artificiel de la télévision ?
Quelle place pour la créativité au travail ?
Être intervieweur n’est pas un métier de tout repos : 4 portraits de 26
minutes à tourner, en une après‑midi, les uns à la suite des autres. Chaque
texte a dû être préparé le matin même. « Une de moins », décompte‑t‑il
à la fin de l’interview.
Tous les métiers peuvent‑ils être harassants ?
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