Il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation1, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle « barbarie » ce qui n'est pas de son usage. À vrai dire, il semble que nous n'avons d'autre mire2 de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usages du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, l'ordre politique parfait, l'usage parfait et accompli de toutes choses. Ils sont « sauvages », de même que nous appelons « sauvages » les fruits que la nature par elle‑même a produits ; là où à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice, et détournés de leur comportement ordinaire, que nous devrions appeler « sauvages ». [...] Il n'est pas conforme à la raison que la technique l'emporte en honneur sur notre grande et puissante mère Nature. [...] Ces peuples me semblent donc « barbares », parce qu'ils ont reçu fort peu de formation intellectuelle et qu'ils sont demeurés très proches de leur état originel. Les lois naturelles les gouvernent encore, fort peu abâtardies par les nôtres.
Moyen d'apercevoir, critère.