La nature représente un enjeu moral et scientifique. D'un côté, la nature semble être une norme à l'aune de laquelle nous devrions juger, voire conformer notre existence. Mais d'un autre côté, la connaissance de la nature n'est pas entièrement affranchie de notre propre subjectivité ni de notre propre contexte socio-historique. Peut-on véritablement atteindre la nature indépendamment de toute culture ?
Réflexion 1
Peut-on mener une existence naturelle ?
La nature doit-elle servir de modèle à une existence épanouie ?
L'artificialité de notre environnement culturel ainsi que l'hypocrisie de notre existence sociale font naître en nous des désirs, souvent frustrés, que nous n'aurions pas si nous vivions conformément à notre propre nature. Ne faut-il pas, pour vivre une vie à la fois heureuse et respectable, accepter la nature telle qu'elle est, comme nous y invite le stoïcisme ?
Est-il vraiment possible de vivre naturellement ?
Être naturel se heurte à deux difficultés. D'un côté, quiconque souhaiterait devenir naturel, c'est-à-dire spontané et sans fard, se retrouverait dans une situation contradictoire puisqu'il chercherait à l'être de manière calculée et artificielle. D'un autre côté, Merleau-Ponty indique que tout dans l'homme semble résulter d'un entrecroisement entre nature et culture, si bien que renoncer à la culture reviendrait de fait à renoncer à tout ce que nous sommes.
Réflexion 2
Avons-nous des devoirs envers la nature ?
La nature n'est-elle pour l'homme qu'un simple « bac à sable » ?
Notre rapport à la nature se fait essentiellement par la technique. Alors que Descartes affirmait que la science devait nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature », notre attitude parasitaire se heurte aujourd'hui au problème de sa soutenabilité, et nous condamne à terme à faire disparaître le reste du vivant en même temps que nous-mêmes.
Quelle attitude éthique adopter envers la nature ?
En même temps qu'un changement de perspective, faisant de l'être humain une exception dans la nature, l'homme doit inventer des devoirs moraux et même des règles juridiques nouvelles permettant de faire de la nature un véritable sujet de droit. Ainsi sera possible la réconciliation « symbiotique » de l'homme et du reste de la nature. C'est ce que souhaite Michel Serres lorsqu'il nous appelle à passer un « contrat naturel » avec la nature.
Réflexion 3
La nature est-elle régie par des lois ?
Les lois de la nature sont-elles une construction de la raison ?
Apparemment, l'observation de la nature semblerait permettre la formulation de lois, au moyen d'une analyse attentive des régularités dans les phénomènes naturels. Toutefois, notre expérience du réel en général, et de la nature en particulier, semble conditionnée par nos limites scientifiques et perceptives. Hume nous questionne : notre prétendue connaissance de la nature n'est-elle pas qu'une simple habitude perceptive et subjective ?
L'idée de nature est-elle universelle ?
Malgré son évidence apparente, ce que nous appelons « nature » semble être la chose au monde la moins universellement partagée, ni dans le temps ni dans l'espace. N'est-elle pas une construction occidentale moderne ? Michel Foucault, en montrant comment l'histoire naturelle est née au XVIIe siècle, semble l'attester.
Épicure, Lettre à Ménécée, IVe - IIIe s. av. J.-C.
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements
de l'inégalité parmi les hommes, 1755
Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, 1948
Pour aller plus loin
À voir
Dominique Marchais, Nul homme n'est une île, 2017
Quelles initiatives citoyennes peuvent être menées pour repenser le bien
commun autour de la nature et de son patrimoine ?
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Crédits : Zadig films/Christophel
Matt Ross, Captain Fantastic, 2016
Peut-on vivre plus naturellement, en échappant à l'hypocrisie de la société
et à l'artificialité de la culture ?
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Crédits : Film Company Electric City Entertainement/AF archive/Alamy
À lire
Philippe Descola, Par-delà nature et culture, 2005
L'auteur, anthropologue, souhaite dépasser l'opposition stérile nature/culture et recherche d'autres approches pour caractériser la relation entre l'homme et son environnement.
Clément Rosset, L'Anti-Nature, 1973
Après avoir analysé les principales philosophies naturalistes et artificialistes, l'auteur présente l'idée de nature comme un fantasme et propose de lui préférer l'artifice.
Emanuele Coccia, La Vie des plantes, 2016
La société déconsidère le monde végétal, qui fournit pourtant
l'oxygène nécessaire à sa vie. L'auteur prend le contre-pied
de la tradition et fait de son étude des plantes une leçon
de philosophie.