Abolie en France le 18 Septembre 1981, la peine capitale ou
peine de mort reste un sujet discuté : 93 pays dans le monde
conservent cette sanction dans leur dispositif judiciaire. Sa disparition
en France est due à l’action de Robert Badinter, alors
Ministre de la justice, qui a défendu son abolition à l’Assemblée
nationale. Pourtant, la question de son rétablissement se pose
régulièrement : un sondage du magazine d’actualité L’Express,
publié le 10 janvier 2018, après la vague d’attentats des années
2015‑2017, montre que la moitié des Français interrogés sont
favorables à son rétablissement dans certains cas.
Doc. 1
Le conflit de deux normes : juridique et morale
Malgré nos demandes, les ayants droit de ce texte refusent que nous affichions celui-ci sur notre site en libre accès. Nous le regrettons profondément et nous excusons pour la gêne occasionnée.
Loin d’être un choix uniquement établi sur un code moral personnel, la question du rétablissement de la peine de mort est corrélée au niveau d’éducation et aux opinions politiques des personnes sondées (sondage réalisé pour le magazine d’actualités L’Express, janvier 2018).
Doc. 3
L’abolition de la peine de mort est un choix moral
et politique
La France a été parmi les premiers pays du monde à
abolir l’esclavage, ce crime qui déshonore encore l’humanité.
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant
d’efforts courageux l’un des derniers pays, presque le
dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe
occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle,
à abolir la peine de mort. […]
Je suis convaincu, pour ma part, que, si le gouvernement
de la Libération n’a pas posé la question de l’abolition,
c’est parce que les temps troublés, les crimes de
la guerre, les épreuves terribles de l’occupation faisaient
que les sensibilités n’étaient pas à cet égard prêtes. Il
fallait que reviennent non seulement la paix des armes
mais aussi la paix des cœurs.
Cette analyse vaut aussi pour les temps de la décolonisation.
C’est seulement après ces épreuves historiques qu’en
vérité pouvait être soumise à votre assemblée la grande
question de l’abolition. […]
En vérité, la question de la peine de mort est simple
pour qui veut l’analyser avec lucidité. Elle ne se pose
pas en termes de dissuasion, ni même de technique
répressive, mais en termes de choix politique ou de
choix moral.
Je l’ai déjà dit, mais je le répète volontiers au regard
du grand silence antérieur : le seul résultat auquel
ont conduit toutes les
recherches menées par
les criminologues est la
constatation de l’absence
de lien entre la peine de
mort et l’évolution de la
criminalité sanglante. […]
En fait, ceux qui croient
à la valeur dissuasive de la
peine de mort méconnaissent
la vérité humaine.
La passion criminelle n’est
pas plus arrêtée par la peur
de la mort que d’autres
passions ne le sont qui,
celles‑là, sont nobles.
Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous
n’auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous
les admirons, mais ils n’hésitent pas devant la mort.
D’autres, emportés par d’autres passions, n’hésitent pas
non plus. C’est seulement pour la peine de mort qu’on
invente l’idée que la peur de la mort retient l’homme
dans ses passions extrêmes. Ce n’est pas exact.
Partout, dans le monde, et sans aucune exception,
où triomphent la dictature et le mépris des droits de
l’homme, partout vous y trouvez inscrite, en caractères
sanglants, la peine de mort.
Robert Badinter, discours à l’Assemblée nationale,
17 septembre 1981.
Les questions qui se posent
⬥ Le texte du juriste Hans Kelsen permet de comprendre que
la notion de justice appartient à deux champs disciplinaires : celui du politique (l’appareil législatif et judiciaire)
et celui de la morale (ce qu’il est vertueux d’accomplir).
Ces deux champs entrent souvent en conflit lorsqu’il s’agit
de distinguer le légal et le légitime, de juger de l’action
de l’État au regard de notre demande de justice sociale
ou, comme ici, de juger de la sanction justifiée. Diverses
problématiques émergent de ce champ d’interrogations.
⬥ La société est le lieu des normes et des inégalités qui
les accompagnent. Doit‑on reconnaître que les inégalités
sont parfois justes, voire que, jusqu’à un certain point,
elles ont du bon ? La justice peut‑elle tolérer l’inégalité ?
⬥ Le sentiment d’injustice est propre à susciter la colère.
Ne faut-il pas alors, plutôt que de s’indigner, se révolter ?
Cependant, en déployant la violence contre les injustices,
ne risque‑t‑on pas de créer seulement un monde
plus violent ? L’exigence de justice peut‑elle légitimer
la violence ?
⬥ La loi existe ; elle devrait contribuer à produire un
monde plus juste. Toutefois, sur quels principes se
fonde‑t‑elle ? N’existe‑t‑il pas des principes supérieurs
auxquels les lois doivent se subordonner ? Mais,
les débats sur ces principes supérieurs sont eux aussi
source de division. Est‑ce à la loi de décider de ce qui
est juste ?
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