⬥ Les Pensées ou Pensées pour moi-même sont l’unique ouvrage de Marc Aurèle. Il n’était pas destiné à être rendu public : son titre original en grec (Tà eis heautón), qui signifie littéralement « Pour moi‑même », est à prendre au sens strict. Sa première édition date de 1559.
⬥ Les Pensées ne sont pas l’exposé d’un système. Même s’il est nettement inspiré par le stoïcisme, cet ouvrage s’en démarque par exemple par le refus presque total de se préoccuper de la logique et de la physique, deux des trois pôles majeurs de la philosophie stoïcienne, pour ne se consacrer qu’au troisième, l’éthique. Il est également marqué par l’influence de Platon et d’Épicure.
⬥ Reprenant la distinction classique, notamment chez les stoïciens, entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, Marc Aurèle l’accentue encore par la métaphore des « portes de l’âme » que « les choses » ne peuvent franchir, et se fait presque platonicien en affirmant l’existence d’une séparation hermétique entre « les choses », le monde terrestre, et l’âme, le monde de « là-haut », d’où provient le « maître intérieur » : la raison, mais d’où provient aussi la loi qui nous impose notre devoir. S’il décide de rester maître de lui-même, l’être humain ne sera donc pas troublé par les affaires humaines, éphémères et dérisoires, pas plus que le rocher n’est affecté par les vagues qui se brisent contre lui.
⬥ S’il accomplit ainsi son devoir, il n’aura besoin de rien d’autre pour être heureux. Parmi les choses qui ne dépendent pas de nous, il y a la place que nous occupons dans le monde. Empereur (comme Marc Aurèle) ou esclave (comme Épictète, lui aussi stoïcien), chacun doit obéir à ce précepte : « Pour moi, je fais mon devoir, le reste ne me tracasse pas, car ce sont, ou des objets inanimés, ou des êtres dépourvus de raison, ou des gens égarés et ne sachant pas leur chemin. »
⬥ Enfin, le stoïcisme de Marc Aurèle n’est pas indifférence ou insensibilité. Sa vie comme son livre témoignent du prix qu’il accorde à l’amitié et à la bienveillance dans les rapports humains.