La nation anglaise est la seule de la Terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois en leur résistant, et qui, d'efforts en efforts, ait enfin établi ce gouvernement sage où le prince tout-puissant pour faire du bien a les mains liées pour faire du mal ; où les seigneurs sont grands sans insolence et sans vassaux, et où le peuple partage le gouvernement sans confusion. La Chambre des Lords et celle des Communes sont les arbitres de la nation, le roi est le surarbitre. […]
Le but du gouvernement d'Angleterre n'est point la brillante folie de faire des conquêtes mais d'empêcher que ses voisins n'en fassent ; ce peuple n'est pas seulement jaloux de sa liberté, il l'est encore de celle des autres. […]
Tous les impôts sont réglés par la Chambre des communes […]. Chacun donne, non selon sa qualité (ce qui est absurde), mais selon son revenu ; il n'y a point de taille ni de capitation arbitraire, mais une taxe réelle sur les terres. […]
En France est marquis qui veut ; et quiconque arrive à Paris du fond d'une province avec de l'argent à dépenser et un nom en ac ou en ille peut dire « un homme comme moi, un homme de ma qualité », et mépriser souverainement un négociant ; le négociant entend lui-même si souvent parler avec dédain de sa profession qu'il est assez sot pour en rougir. Je ne sais pourtant lequel est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, à quelle heure il se couche […], ou un négociant qui enrichit son pays […] et contribue au bonheur du monde.
Voltaire,
Lettres anglaises, extraits des lettres VIII, IX et X, 1734.