Pendant la Révolution, Madame Roland anime un salon où elle reçoit les principales figures des Girondins, à l'image du député Jacques Pierre Brissot.
Brissot vint nous visiter […]. Il nous fit connaître ceux des députés que d'anciennes relations ou la seule
conformité des principes et le zèle de la chose publique réunissaient fréquemment pour conférer sur elle. Il fut même arrangé que l'on viendrait chez moi quatre fois la semaine dans la soirée, parce que j'étais sédentaire, bien logée, et que mon appartement se trouvait placé de manière à n'être fort éloigné d'aucun de ceux qui composaient ces petits comités.
Cette disposition me convenait parfaitement ; elle me tenait au courant des choses auxquelles je prenais un vif intérêt ; elle favorisait mon goût pour suivre les raisonnements politiques et étudier les hommes. Je savais quel rôle convenait à mon sexe, et je ne le quittai jamais. Les conférences se tenaient en ma présence sans que j'y prisse aucune part ; placée hors du cercle et près d'une table, je travaillais des mains, ou faisais des lettres, tandis que l'on délibérait ; mais eussé‑je expédié dix missives, ce qui m'arrivait quelquefois, je ne perdais pas un mot de ce qui se débitait, et il m'arrivait de me mordre les lèvres pour ne pas dire le mien. […] Là, on examinait l'état des choses, celui de l'Assemblée, ce qu'il conviendrait de faire, comment on pourrait le proposer, les intérêts du peuple, la marche de la cour, la tactique des individus. Ces conférences m'intéressaient beaucoup, et je ne les aurais pas manquées, quoique je ne m'écartasse jamais du rôle qui convenait à mon sexe.
Manon Roland
Mémoires, publication posthume.