Le train vient de passer Montchanin. Là-bas, devant nous, un nuage s'élève tout noir, opaque, qui semble monter de la terre [...]. C'est la fumée du Creusot. Cent cheminées géantes vomissent dans l'air des serpents de fumée [...]. Une poussière de charbon voltige, pique les yeux, tache la peau, macule le linge [...]. Une odeur de cheminée, de goudron, de
houille1 oppresse la poitrine [...] et parfois une âcre saveur de fer, de forge, de métal brulant, d'enfer ardent, coupe la respiration, vous fait lever les yeux pour chercher l'air pur, l'air libre, l'air sain [...]. Un bruit sourd et continu fait trembler la terre [...]. Entrons dans l'usine de MM. Schneider. Quelle féérie ! C'est le royaume du Fer, où règne Sa Majesté le Feu !
Maupassant
« Petits voyages, Le Creusot », Gil Blas, 1883.