Philosophie Terminale

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Ch. 3
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Ch. 4
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Ch. 14
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Ch. 15
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Ch. 16
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Ch. 17
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Chapitre 6
Réflexion 3

Les sciences humaines sont-elles des sciences ?

12 professeurs ont participé à cette page
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Texte 8
Sciences humaines et sciences de la nature

Texte fondateur

La différence que l'on établit entre sciences de la nature et sciences humaines repose sur des confusions : le seul critère expérimental ne permet pas de les distinguer et les sciences dites « de la nature » ne proposent pas toujours des prévisions couplées à des explications.

La différence fondamentale entre sciences physiques et sciences humaines n'est donc pas, comme on l'affirme souvent, que les premières seules ont la faculté de faire des expériences et de les reproduire identiques à elles‑mêmes en d'autres temps et en d'autres lieux. Car les sciences humaines le peuvent aussi ; sinon toutes, au moins celles – comme la linguistique et, dans une plus faible mesure, l'ethnologiea – qui sont capables de saisir des éléments peu nombreux et récurrents, diversement combinés dans un grand nombre de systèmes, derrière la particularité temporelle et locale de chacun.

Qu'est-ce que cela signifie, sinon que la faculté d'expérimenter [...] tient essentiellement à la manière de définir et d'isoler ce que l'on sera convenu d'entendre par fait scientifique ? Si les sciences physiques définissaient leurs faits scientifiques avec la même fantaisie et la même insouciance dont font preuve la plupart des sciences humaines, elles aussi seraient prisonnières d'un présent qui ne se reproduirait jamais.

Or, si les sciences humaines témoignent sous ce rapport d'une sorte d'impuissance (qui, souvent, recouvre simplement de la mauvaise volonté), c'est qu'un paradoxe les guette […] : toute définition correcte du fait scientifique a pour effet d'appauvrir la réalité sensible et donc de la déshumaniserb. Par conséquent, pour autant que les sciences humaines réussissent à faire œuvre véritablement scientifique, chez elles la distinction entre l'humain et le naturel doit aller en s'atténuant. Si jamais elles deviennent des sciences de plein droit, elles cesseront de se distinguer des autres. D'où le dilemme que les sciences humaines n'ont pas encore osé affronter : soit conserver leur originalité et s'incliner devant l'antinomie1, dès lors insurmontable, de la conscience et de l'expérience ; soit prétendre la dépasser ; mais en renonçant alors à occuper une place à part dans le système des sciences, et en acceptant de rentrer, si l'on peut dire, « dans le rang ».

Même dans le cas des sciences exactes et naturelles, il n'y a pas de liaison automatique entre la prévision et l'explication. […] Il arrive que la science explique des phénomènes qu'elle ne prévoit pas : c'est le cas de la théorie darwinienne. Il arrive aussi qu'elle sait prévoir, comme fait la météorologie, des phénomènes qu'elle est incapable d'expliquer.
Claude Lévi-Strauss
Anthropologie structurale deux, 1973, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1996.

Aide à la lecture

a. La linguistique est une science qui porte sur le langage. L'ethnologie est une science qui cherche à comprendre les modes de vie et l'organisation de certains groupes sociaux.
b. Lorsque l'on définit un objet d'étude, on en fige les contours. C'est pourquoi la définition peut poser problème : elle suppose que l'on connaisse déjà le périmètre de notre étude.

Note de bas de page

1. Étymologiquement, il s'agit de l'opposition de deux logiques, par extension le mot désigne une opposition.
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Placeholder pour Claude Lévi-StraussClaude Lévi-Strauss
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Lévi-Strauss - XXe siècle

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Repères

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Que l'auteur déclare‑t‑il ?





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Question

Dans quelle mesure l'explication suppose‑t‑elle la prévision ?
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Précision

Classification des sciences

Traditionnellement, les sciences sont séparées en trois catégories :
  • les sciences pures ou formelles (la logique et les mathématiques) ;
  • les sciences de la nature ;
  • les sciences de l'homme.

Dans Les mots et les choses (chapitre X, « Le Trièdre des savoirs »), Foucault remet en cause cette classification et la traditionnelle opposition entre les sciences de la nature, dites sciences « dures », et les sciences humaines.
Il propose un « trièdre épistémologique », c'est‑à‑dire une tripartition des sciences :
  • les sciences mathématiques et physiques, pour lesquelles l'ordre est « toujours un enchaînement déductif et linéaire de propositions évidentes ou vérifiées » ;
  • les sciences empiriques (du langage, de la vie, de la production et de la distribution des richesses), qui « procèdent à la mise en rapport d'éléments discontinus mais analogues, si bien qu'elles peuvent établir entre eux des relations causales et des constantes de structure » ;
  • la réflexion philosophique « qui se développe comme pensée du Même ».

La philosophie partage la formalisation de la pensée avec les mathématiques, les formes symboliques avec la linguistique, les philosophies de la vie avec la biologie, la réflexion autour de l'homme aliéné avec l'économie. Ces disciplines forment donc « un plan commun ».
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Focus

L'expérience de Milgram

expérience de Milgram
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Dans l'expérience de Milgram, chaque participant (S) devait administrer des chocs électriques à un autre participant (A), sous l'autorité d'un professeur (E). L'autre participant (A) et le professeur sont des acteurs. Il est observé que 65,2 % des personnes testées (S) ont administré des chocs mortels à l'autre participant, qui ne les recevait pas réellement car il s'agissait d'une mise en scène visant à estimer le degré de soumission du participant (S). À partir de cette expérience, de nombreux ouvrages de psychologie sociale ont été publiés, notamment sur la question du comportement de l'individu soumis à une autorité scientifique.
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Activité

1. Résumez dans un tableau les variations que l'on pourrait appliquer au dispositif expérimental de Milgram et les effets attendus de ses variations sur l'obéissance de S.

Variations possiblesEffets attendus

2. D'après le focus, 35 % des sujets (S) n'ont pas obéi à E. Quelle expérience sociale permettrait de savoir pourquoi ?
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Texte 9
Scientificité, objectivité et expérience

Pour atteindre l'objectivité, la méthode scientifique requiert la reproductibilité de l'expérience. Dans cet extrait, Gadamer analyse les thèses de Wilhelm Dilthey, à l'origine de la distinction entre sciences de la nature et sciences de l'esprit (ou sciences « morales »).

Le but de la science est d'objectiver l'expérience au point de la libérer de tout élément historique. C'est ce que réalise l'expérimentation dans les sciences de la nature par sa manière méthodique de procéder. La méthode historico-critiquea produit des résultats semblables dans les sciences de l'esprit. Dans les deux cas, ce qui garantit l'objectivité c'est que les expériences invoquées deviennent susceptibles d'être répétées par tout le monde. De même qu'en science de la nature les expériences doivent être vérifiables, l'ensemble de la démarche doit pouvoir se contrôler dans les sciences de l'esprit. Ainsi, on ne peut laisser aucune place en science à l'historicité1 de l'expérience.

La science moderne ne fait ainsi que pousser méthodiquement plus loin ce vers quoi tendait déjà toute expérience. Car toute expérience ne conserve en vérité sa valeur que tant qu'elle se confirme ; c'est donc sa possibilité fondamentale d'être répétée qui en fait le prix.
Hans-Georg Gadamer
Vérité et méthode, 1960, © Éditions du Seuil, 1996.

Aide à la lecture

a. Cette méthode est appliquée notamment à la Bible. Elle consiste à s'intéresser à la source et à l'évolution historique des textes, notamment pour en fonder la validité.

Note de bas de page

1. Désigne une expérience qui n'est valable que dans une histoire particulière, que dans un contexte précis non reproduisible.
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Placeholder pour Hans-Georg GadamerHans-Georg Gadamer
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Gadamer - XXe siècle

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Question

Pourquoi la répétition de l'expérience est-elle la condition de sa validité ?
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Texte 10
Une liberté inaccessible à la science

Les sciences humaines ne peuvent comprendre qu'un aspect de l'homme.

Qu'est-ce que l'homme ? La physiologie étudie son corps, la psychologie étudie son âme, la sociologie l'étudie comme être social. [...] Les sciences humaines ont apporté toutes sortes de connaissances, mais non celle de l'homme dans sa totalité. [...]

En effet, l'homme peut être abordé de deux manières : comme objet de recherche scientifique et comme existence d'une liberté inaccessible à toute science. Dans le premier cas, nous parlons de l'homme comme objet ; dans le second, de la réalité impossible à objectiver que l'homme est, et qu'il approfondit quand il est vraiment conscient de lui‑même. Ce que nous pouvons savoir de lui n'est pas exhaustif ; son être, nous ne pouvons que l'éprouver à l'origine même de notre pensée et de notre action. L'homme est en principe plus que ce qu'il peut savoir de soi.
Karl Jaspers
Introduction à la philosophie, 1950, trad. J. Hersch, Éditions 10/18, 1981.
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Jaspers - XXe siècle

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Question

En quoi l'homme est‑il un « objet » dont la totalité est inaccessible ?
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Texte complémentaire
La méthode scientifique en histoire

Qu'est‑ce donc que l'histoire ? Je proposerai de répondre : L'histoire est la connaissance du passé humain. L'utilité pratique d'une telle définition est de résumer dans une brève formule l'apport des discussions et gloses qu'elle aura provoquées. Commentons‑la : nous dirons connaissance et non pas, comme tels autres, « narration du passé humain », ou encore « œuvre littéraire visant à le retracer ». […]

Nous dirons connaissance et non pas, comme d'autres, « recherche » ou « étude » (bien que ce sens d'« enquête » soit le sens premier du mot grec istoria), car c'est confondre la fin et les moyens ; ce qui importe c'est le résultat atteint par la recherche : nous ne la poursuivrions pas si elle ne devait pas aboutir ; l'histoire se définit par la vérité qu'elle se montre capable d'élaborer. Car, en disant connaissance, nous entendons connaissance valide, vraie : l'histoire s'oppose par là à ce qui serait, à ce qui est représentation fausse ou falsifiée, irréelle du passé, à l'utopie, à l'histoire imaginaire […].

Sans doute cette vérité de la connaissance historique est-elle un idéal, dont, plus progressera notre analyse, plus il apparaîtra qu'il n'est pas facile à atteindre : l'histoire du moins doit être le résultat de l'effort le plus rigoureux, le plus systématique pour s'en rapprocher. […] Précisons [...] que si l'on parle de science à propos de l'histoire c'est non au sens d'épistémè1 mais bien de tekhnè2, c'est‑à‑dire, par opposition à la connaissance vulgaire de l'expérience quotidienne, une connaissance élaborée en fonction d'une méthode systématique et rigoureuse, celle qui s'est révélée représenter le facteur optimum de vérité.
Henri-Irénée Marrou
De la connaissance historique, 1954, © Éditions du Seuil, 2016.

Notes de bas de page

1. La connaissance théorique.
2. La connaissance pratique.
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Texte 11
La sociologie est une science

Dans cet extrait, Durkheim soutient la thèse que la causalité n'est pas réservée aux phénomènes naturels : les faits sociaux sont eux aussi soumis à des causes.

La sociologie n'a pas à prendre de parti entre les grandes hypothèses qui divisent les métaphysiciens. Elle n'a pas plus à affirmer la liberté que le déterminisme. Tout ce qu'elle demande qu'on lui accorde, c'est que le principe de causalité s'applique aux phénomènes sociaux. Encore ce principe est‑il posé par elle, non comme une nécessité rationnelle, mais seulement comme un postulat empirique, produit d'une induction légitime. Puisque la loi de causalité a été vérifiée dans les autres règnes de la nature, que, progressivement, elle a étendu son empire du monde physico‑chimique au monde biologique, de celui‑ci au monde psychologique, on est en droit d'admettre qu'elle est également vraie du monde social ; et il est possible d'ajouter aujourd'hui que les recherches entreprises sur la base de ce postulat tendent à le confirmer.
Émile Durkheim
Les règles de la méthode sociologique, 1895, © avec l'aimable autorisation de Flammarion, 1999.
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Durkheim - XIXe siècle

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Repères

  • Hypothèse / Conséquence / Conclusion 
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Question

Pourquoi la sociologie ne s'occupe-t-elle pas de « liberté » ni de « déterminisme » ?
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Activité

Si vous deviez démontrer la valeur scientifique d'une thèse portant sur l'histoire ou sur la société :

1. Quels seraient les points de vigilance à contrôler ?

2. La démarche suivie pourrait‑elle être qualifiée de méthode scientifique ? À quelles conditions ? Vous pouvez travailler sur une crise sociale, un changement politique ou un fait de société.
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