Dans le premier chapitre, Rousseau, conformément à sa critique de la conception par Hobbes du contrat politique, affirme que « la souveraineté est inaliénable ». Cela signifie donc que la souveraineté ne peut pas se perdre, se transmettre, ni être abandonnée définitivement : « Je dis donc que la souveraineté, n'étant que l'exercice de la volonté générale, ne peut jamais s'aliéner, et que le souverain, qui n'est qu'un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté. »
Avec pour principe politique que la souveraineté que chacun a sur lui-même ne peut pas se déléguer, le peuple, également, ne peut pas abandonner sa souveraineté. Il ne faut donc pas confondre déléguer ou donner un pouvoir à des représentants politiques – députés, chef de l'État – et leur transférer sa part de souveraineté. Les représentants et les mandants du peuple se contentent d'exprimer la volonté du peuple.
En revanche, un pouvoir peut se transmettre. Par exemple, le juge exerce un pouvoir – celui d'appliquer la loi –, mais il le fait en respectant la volonté du peuple qui est inscrite dans les lois. La loi est le réceptacle de « la volonté générale ». Cette dernière expression est fondamentale pour l'auteur. Elle est la volonté du peuple en son entier qui se formule dans et par la loi. Elle est, par conséquent, le produit de la souveraineté du peuple. Quand le peuple décide pour lui-même en visant le bien commun, on parle de « volonté générale ».
La volonté d'un seul ne peut jamais systématiquement correspondre à la volonté générale. C'est pour cela qu'un peuple ne peut pas transmettre sa volonté. Cela reviendrait aussi, pour le peuple, à se « donner des chaînes pour l'avenir ». Or, il est absurde de vouloir se nuire : ici, de vouloir renoncer à sa volonté. Dans le même ordre d'idées, un peuple qui ne ferait par conséquent qu'obéir ne serait pas un peuple au sens de corps politique – unité –, mais un simple ensemble d'individus, tous soumis au même maître.
Selon Rousseau, un peuple qui obéit n'est plus un peuple. Il défend une conception politique du peuple – ni historique, ni culturelle, ni ethnique, etc. C'est l'exercice de sa souveraineté qui fait exister le peuple en tant que tel. Donc le peuple n'obéit jamais. Seuls les individus obéissent mais, dans ce cas, au peuple souverain lui-même. Donc en un sens à eux-mêmes. « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » avait déjà écrit Rousseau dans le livre I.