Une foule, sortie on ne
sait d'où et formée en un clin d'oeil, comme cela est fréquent à Paris,
se pressait des deux côtés de la chaussée et
regardait. On
entendait dans les ruelles voisines des cris de gens qui
s'appelaient. Le passage d'un groupe de bagnards
était un spectacle que nul n'
aurait manqué. Les prisonniers, que
secouaient les cahots des charrettes,
étaient livides du frisson du matin. Tous
portaient des pantalons de toile déchirés et les pieds nus dans des sabots. Le reste du costume
était à l'image de leur misère. Plusieurs
avaient des chapeaux de femme, d'autres
étaientcoiffés d'un panier. Deux ou trois
avaient attaché aux montants de la charrette une corde de paille qui leur
soutenait les pieds. L'un
semblait mordre une pierre noire ; c'
était du pain qu'il mangeait.
D'après V. Hugo, Les Misérables, 1862.